page suivante »
DE LA FRANCE. 431 de l'étouffer même ; c'est pour cela qu'il y a de la gloire à s'y dévouer , à l'agrandir. S'il y a des peuples comme des hommes éternellement illustres, c'est que les peuples comme les hommes sont libres dans le dévouaient à leur génie et à leur mission. O r , puisqu'il est un moment où les peuples doivent suivre leur génie avec réflexion et par choix , il faut que, dans l'étude de leur passé politique ou littéraire, ils r e - cherchent, plus encore peut-être que les théories générales d'art et de gouvernement, une conscience bien distincte de leurs facultés, des lois de leur propre nature. Chaque nation, au point de vue littéraire comme dans l'en- semble de son histoire, peut être considérée comme un artiste ayant ses qualités et ses défauts particuliers. Pour critiquer un artiste avec sagesse et lui donner des conseils profitables, il ne suffit pas de posséder la philosophie de l'art en soi, la poétique abstraite et générale; il faut d'abord étudier l'artiste lui-même, connaître à fond ses tendances natives, ses pas- sions, ses préjugés et les limites de ses forces. C'est surtout dans la pratique des arts et de la littérature qu'en dépit des systèmes, le naturel finit toujours par l'emporter; plus l'ar- tiste a de sève et de vigueur, et plus il est rebelle à toute éducation qui prétendrait changer la nature de son talent. Une critique trop générale et trop systématique risque de faire perdre au poète toutes les qualités qui lui sont propres, sans lui rien faire acquérir de ce qui manque à son organisation. Le premier but de la critique appliquée à l'ensemble d'une littérature et surtout à la littérature de notre pays, est donc de bien connaître le génie national. Le génie d'un peuple se manifeste dans tous les produits de son activité dans tous les aspects de son caractère. En l'étudiant dans sa littéra- ture, il est indispensable de le considérer aussi dans ses ori- gines, dans son tempérament et dans son histoire. De même que le corps humain est une réunion d'organes