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ET SUR LE RETOUR. 325 Et qu'on ne fasse point un crime à l'institutrice de vivre ainsi solitaire, car durant ses longues pérégrinations, ses pre- miers parents ont payé leur tribut à la nature; ceux qui res- tent, plus ou moins éloignés, prendront volontiers leur part de son bien-être, mais se soucieraient peu d'y contribuer : ils l'entraîneraient môme par leurs allures tout-à -fait bour- geoises et leur sans façon roturier. Elle ne pourrait se résigner à subir le genre sans gène de l'horloger son cousin, l'accent lourd et traînant de son neveu, et le dîner plébéien de sa famille commencé au coup de midi. Il lui faut une continua- tion de ses hautes manières, elle veut des habitudes qui soient en harmonie avec l'élégance de ses meubles et de son salon; il convient qu'elle puisse se croire encore à la cour d'un margrave, dans l'hôtel d'un ambassadeur, ou tout au moins dans le château d'un gouverneur de province, et le moyen qu'il y aurait pour elle de se faire une si charmante illusion, quand son oncle, le brule-gueule aux dents, l'abat- jour sur le front, limerait un pignon et chanterait une gau- driole dans la chambre contigue à la sienne. Toutefois l'institutrice n'est pas seule chez elle, car elle a un chat souvent, un chien parfois, et des oiseaux toujours. Elle forme et surveille ces charmants animaux afin de s'en- tretenir la main, comme dirait un maître d'armes, elle leur inculque des manières prévenantes. Bien qu'ils se tienneut et dorment couchés sur de moelleux canapés, ils s'éveillent et se jettent sur le visitant pour fêter sa bien venue, le cou- vrant ainsi de crotte en hiver, de puces en été, de leur fourrure toute l'année, et, si peu qu'il élève la voix, il aura bientôt à lutter, pour se faire entendre, contre un solo de serin ou un duo de canaris qui s'égosillent dans une cage ba- lancée sur sa tête. Hélas! qui pourrait lui faire un crime de ce que son instinct éducatif, dans son triste veuvage, s'exerce et se répand sur cette gentille ménagerie ! aussi ses oiseaux