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326               L'INSTITUTRICE DE RETOUR

qui lui font honneur sifflent des airs de Rossini, son chien
aboyé en ut dièze et son chat miaule en si bémol.
    On conçoit, du reste, que l'institutrice ne saurait rester
étrangère à rien de ce qui se passe dans le monde intellectuel
o.u politique. Son savoir et ses relations la mettent en me-
sure de protéger un auteur ou un gouvernement avec la
même efficacité ; elle juge en dernier ressort du mérite d'un
ouvrage ou de la convenance d'une mesure diplomatique;
et si les magistrats de sa patrie sont bien sages et lui font un
peu la cour, elle leur promet l'appui mystérieux de la sainte
alliance à laquelle elle se rattache par ses illustres rapports
avec des cours puissantes, car les frères de ses anciennes
élèves perchent dans les postes les plus élevées, planent dans
d'éminents emplois, et touchent aux degrés de tous les
trônes, alors qu'ils n'y sont pas assis eux-mêmes.
    L'institutrice pure et châtiée dans son langage l'est infi-
niment moins dans son costume, non qu'il soit formé d'étoffes
grossières, mais il heurte souvent les modes et s'insurge
contre le bon goût. Plusieurs raisons expliquent celte irré-
 gularité choquante de sa part; voici les principales :
    Ayant longtemps vécu avec déjeunes demoiselles, elle en a
adopté les vêtements et les couleurs dans un pays comme à
une époque de sa vie où ce penchant était sans graves incon-
vénients pour elle ; mais comme elle le conserve à son retour
dans ses foyers, il forme alors une fâcheuse dislance avec
 l'âge positif où elle est parvenue: aussi sur trois femmes de
 cinquante ans que vous rencontrerez dans le monde arborant
la couleur rose, ainsi que des costumes étranges ou pour le
moins étrangers, gagez hardiment que deux sont institutrices.
Puis ses illustres élèves lui envoient pour cadeaux de resplen-
dissantes étoffes fort goûtées dans les lieux éloignés d'où
elles viennent, mais qui le sont beaucoup moins là où leur
ancienne amie réside, et celle-ci se croit obligée de les por-