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218                 DE L'ÉGLISE, DE L'ÉTAT

tranchaient derrière l'oracle de Delphes ; Numa, derrière l'au-
torité de la nymphe Egérie; les empereurs romains s'appuyaient
sur leur propre divinité, le sultan sur Allah et son p r o p h è t e ;
les rois de France commençaient leurs ordonnances par les
mots Louis par la grâce de Dieu, roi de France, etc. Main-
tenant l'État n'a point de Dieu derrière lui, et, quoi qu'il
ne soit point Dieu lui-même, il commande en son propre nom.
    Tous les anciens rapports de l'Église et de l'État sont donc
brisés, l'État et l'Église cessent de s'appuyer l'un sur l'autre ;
l'État est indépendant de l'Église, l'Église doit être indépen-
dante de l'État: à la parole de Jésus-Christ: « Mon royaume
n'est point de ce inonde », l'État doit en opposer une autre :
« Rien de ce qui regarde l'autre monde ne me regarde. »
    La société spirituelle et la société temporelle se trouvant
 ainsi séparées, ne représentent plus chacune que l'idée à
 laquelle elle correspond. La société spirituelle redevient la ma-
nifestation pure de l'unité et la société temporelle, celle de la
variété. Que suit-il de là? c'est que chacune d'elles doit désor-
 mais revêtir exclusivement les caractères de l'idée qu'elle
 représente dans le inonde.
    Avant d'aller plus loin, il faut répéter une observation déjà
 faite. L'unité seule et la variété seule ne peuvent fonder et
 faire vivre une société. Mais ici les deux sociétés spirituelle e-
 temporelle, quoique séparées dans leurs pouvoirs, sont néant
 moins composées des mêmes individus. Ce sont les mêmes
 Français qui forment une société temporelle que résume un
 seul gouvernement et diverses sociétés spirituelles fondées
 sur la foi à tel ou tel symbole. Malgré la séparation de l'Église
 et de l'Étal, les Français puisent donc en m ê m e temps aux
  deux sources qui font vivre la société, et c'est pour cela qu'ils
  vivent.
   Quand vivi principe est posé dans une société, il faut de toute
nécessité qu'il se réalise dans toutes ses conséquences, et
telle est la force de la vérité, que tous les efforts des hommes
sont impuissants pour empêcher celle réalisation.