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144 M. ALEXANDRE DUMAS. Débats et l'année 1840 nous paraît être l'époque la moins rem- plie de la vie de M. Dumas. Alors il était toujours à courir la poste, de Paris, où il avait deux logements au moins, à Florence, où il faisait habituellement sa résidence. Un soir on le rencontrait au théâtre, saluant à droite et à gauche ses connaissances et ses amis, allant du foyer aux coulisses, et des coulisses au balcon ou à l'or- chestre, partout jetant sur son passage les mots heureux et les vives réparties. Le sur-lendemain il touchait déjà peut-être aux frontières du grand-duché de Toscane, et, huit jours après, il n'était pas rare de le voir passer sur les boulevards, emporté de toute la vitesse de ses chevaux à quelques rendez-vous de fête. M.Dumas s'est toujours enivré de cette atmosphère de bruit et de mouve- ment; la prodigieuse activité de son esprit suffit à tout, au travail, aux distractions mondaines et aux incidents d'une existence qui, pour être semée d'or, n'en est pas moins souvent compliquée de très-vulgaires embarras. Cependant, au milieu de ses courses sans fin et de la poussière des grandes routes, M. Dumas avait su trou- ver encore le temps et la bonne volonté de se marier. Ce n'est pas à nous qu'il appartient de racontei la qualité, les circonstances et les suites de cette union. Pendant ce temps une grave transformation s'opérait dans le journalisme en France. La presse marchande, en donnant au feuilleton une importance et un développement encore inconnus, avait subitement rehaussé l'éclat et la valeur littéraire de certains noms, depuis longtemps en possession du privilège d'intéresser la foule par lesfictionsdu roman. De ce nombre étaient M. de Balzac, M. Frédéric Soulié, M. Sue et M. Dumas. Bientôt on se disputa les auteurs en renom, qu'on arrachait ainsi aux sages lenteurs de l'étude, et, une fois le public amorcé par le charlatanisme des an- nonces et les merveilles du prospectus, la presse se vit bien forcée de le suivre dans la voie où elle l'avait entraîné, et do satisfaire son goût toujours croissant pour le roman découpé en chapitres quotidiens. Mais, pour cela, il fallut faire pont d'or aux écrivains que de premiers succès avaient déjà accrédités. Devancé par l'auteur de Mathilde, M. Dumas eut bientôt atteint son redoutable rival. Bien mieux qu'aucun des écrivains que nous venons de citer,