page suivante »
M. ALEXANDRE DUMAS. 129 semble avoir imposées à l'homme pour le forcer à suivre les sentiers frayés, à copier ceux qui l'ont précédé. Le vulgaire imite ; le talent cherche des voies moins battues, le génie seul a la faculté de créer. La nature avait rangé l'auteur d'Henri III dans la moyenne de ces trois catégories. Celui qui venait de débuter d'une manière aussi brillante et sous d'aussi heureux auspices était un jeune homme de vingt-six ans, qui, poussé vers Paris par le besoin, l'ambition et l'espoir, avait été tout juste assez favorisé pour y obtenir un très modeste emploi, au lieu des fleurs d'or et des mystérieuses protectrices qu'il s'était imaginé y rencontrer. Nous aimons laisser aux écrivains le soin de nous initier eux-mêmes aux obscures années de leur jeunesse, et à suivre, guidé par eux, les sentiers trop souvent rudes et pénibles qu'ils ont parcourus avant de forcer enfin le public à s'occuper de leur nom, à s'enquérir de leur passé. Or, trop souvent M. Dumas s'est oublié à parler de lui pour que nous ne puissions être en me- sure de mêler à notre récit quelques détails auto-biographiques. II n'est besoin pour cela que d'ouvrir les œuvres de l'écrivain, ou de consulter les journaux, confidents et témoins de ses démêlés litté- raires. Voici donc en quels termes l'auteur d'Henri III a poétisé les vulgaires incidents qui devaient le conduire au Théâtre-Fran- çais, où l'on vient de le voir conquérir le premier fleuron de sa couronne dramatique. « Quand on saura, dit M. Dumas, que je suis né (le 24 juillet 1803) à Villers-Cotterets, petite ville de 2,000 âmes, on devinera tout d'abord que les ressources n'y étaient pas grandes pour l'édu- cation. Un brave abbé, que tout le monde aimait et respectait plus encore à cause de son indulgence pour ses paroissiens qu'à cause de son savoir, m'avait donné pendant cinq ou six ans des leçons do latin, et m'avait fait faire quelques bouts-rimés français. Quant à l'arithmétique, trois maîtres d'école avaient successivement renoncé à me faire entrer les quatre premières règles dans la tête. En échange, et sous beaucoup d'autres rapports, je possédais les avan- tages physiques que donne une éducation agreste, c'est-à -dire que je montais tous les chevaux, que je faisais douze lieues à pied pour aller danser à un bal, que je tirais assez habilement l'cpée et le 9