Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
130                  M. ALEXANDRE DUMAS.
pistolet, que je jouais à la paume comme Saint-Georges, et qu'à
trente pas je manquais très rarement un lièvre et un perdreau. »
    Cette supériorité à lancer la paume n'est pas le seul trait de
ressemblance que M. Dumas ait avec le fameux chevalier: il est
mulâtre comme lui. Son père, le général Dumas-Davy, né à Saint-
Domingue le 25 mars 1762, était fils naturel du marquis de la
Pailleterie et d'une négresse. Nous aurons plus d'une fois l'occa-
sion de signaler dans les allures de M. Dumas certains signes ou
réminiscences de cette origine, croisée de sang africain et de gen-
lilhommerie française. Continuons.
   « Jo venais d'avoir vingt ans lorsque ma mère entra un matin
dans ma chambre, s'approcha de mon lit, m'embrassa en pleurant
et me dit : « Mon ami, je viens de vendre tout ce que nous avons
pour payer nos dettes. — Eh! bien, ma mère? — Eh! bien, mon
pauvre enfant, nos dettes payées, il nous reste 253 francs. — De
rente? » Ma mère sourit tristement. « En tout? repris-je. — En
tout. — Eh ! bien, ma mère, je prendrai ce soir les 58 francs, et
je partirai pour Paris. »
   Il part en effet, aprèsavoir gagné en jouant au billard avec l'en-
trepreneur de la diligence le prix de son voyage, et le jeune bra-
connier de Villers-Cotterets arrive à Paris, dans un hôtel de la rue
Saint Germain-d'Auxerrois, sans but arrêté, mais plein de confiance
en son étoile. Après quelques mécomptes qui ne furent cependant
ni bien longs ni bien pénibles, trouvant le nom qu'il portait presque
effacé du souvenir des frères d'armes de son père, M. Dumas eut
l'heureuse idée de s'adresser au général Foy, pour qui il s'était fait
donner une lettre de recommandation par un électeur de l'Aisne.
Le général accueillit le solliciteur avec plus de bienveillance qu'on
n'en met d'habitude en pareille occasion.
   « Voyons, que ferons-nous do vous? lui dit-il.—Tout ce que
vous voudrez, général. — Il faut d'abord que je sache à quoi vous
êtes bon. — Oh! à pas grand'chose. — Voyons! que savez-vous?
un peu do mathématiques? — Non, général. — Vous avez au moins
quelques notions de géométrie, de physique? — Non, général. —
Vous avez fait votre droit? — Non, général. — Vous savez le latin