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S 28 M. ALEXANDRE DUMAS. tous les spectateurs on délire; ot quand, après la chute du rideau, l'acteur Firmin, chargé du principal rôle, vint, au bord de la rampe, proclamer l'auteur du drame, M. le duc d'Orléans se leva, et toute la salle avec lui, pour saluer le nom inconnu d'Alexandre Dumas. Considéré à plusieurs années de distance, après la révolution littéraire qui s'est accomplie, et qui, à cette époque, commençait seulement à essayer ses forces, Henri III et sa cour — c'est le titre de l'œuvre dont nous venons de parler — a perdu beaucoup de son mérite et surtout du prestige que lui donnait la nouveauté. Henri III ne présente réellement à l'analyse qu'une intrigue faible, mal nouée, mal conduite; une suite de personnages dont les carac- tères sont indiqués à peine; un dialogue lourd, sans finesse, sans style. Mais en revanche on y rencontre des situations d'un très vigoureux effet, une grande habileté dans l'art de toujours occuper la scène, d'amener des incidents, de faire de l'action, en un mot, chose essentielle au théâtre. Ajoutez à cela une accumulation de hors-d'œuvre destinés à piquer la curiosité du spectateur, et vous comprendrez Pébahissement des habitués du Théâtre-Français, quand, aux pauvres accessoires de la mise en scène des oeuvres an- ciennes, ils virent succéder le cabinet d'un astrologue au XVI« siè- cle, avec son mobilier cabalistique; Ruggieri disant la bonne aven- ture; les mignons d'Henri III, en pourpoint et en haut de chausses, jouant au bilboquet, tirant leur sarbacane en pleine cuirasse du due de Guise, jurant par la tête-Dieu, devisant d'amour et de pratiques superstitieuses, et portant escarcelle au lieu de bourse, écus à la rose etphilippus au lieu d'argent. En fallait-il davantage pour cap- tiver l'attention et pour émerveiller les esprits 'i Aussi tout Paris voulut-il voir la belle Catherine de Clèves passer ses bras meurtris dans les anneaux de fer de la porte, fléchissant sous les coups des meurtriers, et assister à l'agonie de Saint-Maigrin, étranglé avec le mouchoir de son adorée. Henri III se recommandait donc tout à la fois aux sympathies de la foule et à l'admiration de la jeunesse lettrée. Ne trouvât-on aujourd'hui dans cette œuvre qu'un certain mérite d'innovation, ce serait encore là un avantage réel et peu commun. Rarement il est donné à un esprit ordinaire de franchir les limites que la nature