page suivante »
80 DE L'ÉTAT ACTUEL DE LA PHILOSOPHIE sauvent il a su être lui-même et a été original non sans succès. Dans bien des doctrines de première importance, il mérite de devenir le guide de la pensée moderne. Pour peu qu'il se fût tenu un peu plus éloigné de Hegel et de son vain formalisme, on pourrait, avec une reconnaissance plus entière encore et un soin plus scrupuleux, s'efforcer de suivre partout la voie lumineuse qu'il a tracée. Deux méthodes se trouvent aujourd'hui en présence; quelle est celle pour laquelle Fichte s'est prononcé? Il en est une qui, progressive, descend du général au particulier, commence par poser des principes vagues, une idée vide, d'où elle déduit avec emphase le monde des phénomènes. Il en est une autre qui, régressive, s'élève au général en se fondant sur le particulier, et part de la connaissance du moi pour construire une théorie de la personnalité et de la liberté. La première prétend sans hésitation vous donner la vérité objective, vous conférer la science absolue avec laquelle elle se croit identique ; en dèfinilive, c'est le chemin qui con- duit à la philosophie de la pure pensée, ou plulôt de la mort éternelle. La seconde, moins tranchante et plus critique, moins Gère et plus circonspecte, rejette ces imaginations sublimes et avance lentement, guidée par une humble obser- vation; elle ne fait pas difficulté d'avouer qu'elle est toujours plus ou moins entachée de subjeclivisme ; elle reconnaît des bornes à la science humaine, elle n'affecte pas les allures de la théosophie, c'est le yvxs asxvrov qu'elle commente, c'est par l'élude de nous-mêmes qu'elle parvient à lever un coin du voile qui couvre les mystères de celui à l'image duquel nous sommes créés. Fichle s'est posé en conciliateur de ces deux procédés, l'un ontologique, l'autre psychologique. Il part d'une analyse de la conscience pour en déduire une connaissance objective et ab- solue. Il croit pouvoir, tout en partant de la théorie de la