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                            CHARLES VI.                            509

 homme Raymond ; la reine Isabeau, cette archiduchesse hautaine,
 toute fière qu'elle est, la vient chercher dans son humble chau-
 mière , pour en faire la compagne du roi , et lui servir, à
 elle , d'espion et de surveillant. Odette, au lieu de se prêter
 aux desseins de la reine, entreprend de faire briller de nou-
 veau la raison dans ce cerveau malade. Elle joue aux cartes avec le
 roi Charles VI, lui chante ses plus jolies chansons de jeune fille, et
 finit par l'éclairer sur les véritables sentiments du dauphin, en les
réconciliant tous deux ; Isabeau, qui voudrait, on ne sait trop pour-
quoi, voir régner en France le petit duc de Lancastre, a promis,
mais en vain à Bedford, que le roi sanctionnerait dans une solennité
publique le don de sa couronne, qu'il a déjà placée sur la tête de
cet enfant; Charles, dans un beau mouvement d'indignation, brise
cette couronne à ses pieds. Pour ressaisir et faire peser de nou-
veau sur l'esprit du roi, son empire qui lui échappe, Isabeau
imagine alors une sorte de fantasmagorie qui doit plonger , à
tout jamais, cette intelligence faible encore, dans de profondes
ténèbres; elle fait apparaître, dans la chambre du'roi, pen-
dant son sommeil, de sinistres fantômes, qui lui font, avec ac-
compagnement d'orchestre, des prédictions de nature à épouvanter
l'homme le plus hardi. Le roi redevient fou, et tout serait de nou-
veau perdu, si Odette, qui n'est pas loin, ne venait encore tout
sauver ; elle rassemble les derniers débris de la chevalerie fran-
çaise, campés sur les bords de la Seine, les fait cacher dans les ca-
veaux de St-Denis, dont son père est devenu le gardien ; puis, au
moment où Bedford, qui se croit enfin sûr de la victoire, va saisir,
d'une main insolente, l'oriflamme de St-Louis, les chevaliers pa-
raissent, et chargent impétueusement les Anglais. Comme il est de
rigueur, ceux-ci sont battus à plate couture, et tout finit par la
mort du roi, qui expire en laissant la couronne à son légitime héri-
tier.
  Ce canevas se recommande par une forme poétique, qu'on a rare-
ment le bonheur de rencontrer dans les libretti d'opéra. On sent
qu'un véritable poète a passé par-là, et y a laissé quelque chose de
son souffle harmonieux ; aussi, le spectateur, habitué aux fades ba-
nalités du genre, est tout dépaysé lorsque la voix du chanteur fait