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480 UN CHAPITRE INÉDIT ployaient l'énorme influence qu'ils avaient comme grands ca- pitalistes et grands propriétaires, à accroître non seulement la dépréciation du papier monnaie, mais encore la misère p u - blique. Ils comptaient ramener le peuple à eux par la faim et le désespoir ; la faim et le désespoir du peuple ne produi- sirent que la terreur. L'opinion s'en prenait aussi à ce que l'on commença d'ap- peler les accapareurs. L'assemblée constituante avait établi la liberté du commerce, même celui des subsistances; le parti girondin, qui était celui de la république bourgeoise, professa les mômes doctrines économiques. Nous n'exposons ici que le fait, sans juger; un principe, même juste et vrai, peut avoir des conséquences fâcheuses dans l'application. La liberté du commerce des grains, compliquée de la législation sur les as- signats et jointe aux autres circonstances, favorisait éminem- ment l'agiotage, et l'agiotage se fit jour jusque sous la Ter- reur, parce qu'il y a des sentiments mauvais, comme des bons, qui dominent la crainte de la mort; la cupidité est le premier. La liberté du commerce des grains était, d'ailleurs, un prin- cipe nouveau que les économistes essayaient, avec beaucoup de difficultés, de faire passer dans l'application. Différent des au- tres conquêtes de la révolution qui remontaient du peuple au pouvoir, celui-ci, au contraire, descendait du pouvoir ; et le sentiment ou, si l'on veut, l'ignorance populaire y répugnait. Les faits de la révolution témoignent que les troubles les plus graves et les plus nombreux de la période révolutionnaire ont eu pour cause ou pour prétexte la circulation des grains. Dans le courant du mois d'août, douze cents sacs de farine que le commerce de Lyon avait fait acheter à Auxerre, furent arrêtés; dans le même temps, presque tous les approvisionne- ments que la ville de Lyon ou ses marchands avaient fait re- cueillir, furent saisis et consignés, et même pillés en route, tantôt par ordre des autorités locales, tantôt par l'effet des vio-