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ET DE SA RÉPARATION. 335 On sent bien qu'il est difficile de ne pas croire invincible- ment à ce Monde invisible, quand on éprouve un profond sentiment d'amour; parce que l'infini, qui éclate alors en nous par ce sentiment, nous donne de ce Monde fortuné un trop grand pressentiment et un trop vif besoin. Il est tout à fait impossible de ne pas croire à la vie infinie quand on a beaucoup d'amour, car le monde d'ici-bas ne suffit plus. De même, vous sentez qu'on ne s'arrête à cette vie que quand on a fort peu d'amour, parce que le cœur devenu étroit et tout empressé de jouir, se contente de peu et se précipite aussitôt sur ce monde. Et l'homme, dans cette circonstance, sacrifiant l'absolu à l'actuel, trouve que cette vie est tout à fait organisé pour ce but. Aussi, par une expression connue, la demande-l-il encore courte et bonne. Il est impossible de croire au Monde infini quand on n'a point d'amour, car ce monde- là paraît tout à fait inutile. Et de fait, qu'ont-ils besoin de la vie absolue, s'ils sont assez faciles pour se contenter de ce dont se contentent les bêtes ! Les hommes de foi sont donc les hommes d'amour, et les hommes de doute, les hommes d'égoïsme; ce n'est pas autre chose. Il faut bien le remarquer avec attention, parce que dans le monde on paraît croire que la foi vient de l'esprit, qu'elle repose sur la science ; de là , quand on ne croit pas, on met toujours la faute sur la foi, et jamais sur soi. La foi ne vient pas de l'esprit ; s'il en était ainsi, le peuple ne pourrait jamais croire. Au reste, la foi est précisément ce qui ne peut pas s'atteindre avec l'esprit. La foi vient toute du cœur. On croit parce que l'on aime ; on doute parce que l'on aime peu ; on nie parce que l'on n'aime point. Aussi les hommes ont-ils moins de foi, en général, parce qu'ils ont le cœur moins aisé; les femmes ont plus de foi, parce qu'elles ont le cœur plus attendri et un plus doux besoin de Dieu.