Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
252               MADEMOISELLE DE HÂGLAND.
qucs pas les séparaient seulement de la chaumière dont la porte
entr'ouverto semblait les engager à profiter de la sécurité que leur
offrait cet asile. Raoul, sur le seuil, attendait Marie, mais elle s'ar-
rêta brusquement. Cent fois elle s'était trouvée seule avec Raoul,
mais toujours dans des lieux accessibles à tous les regards ; à l'as-
pect de cette retraite, l'air de mystère que prenait sa rencontre
avec Raoul, lui causa un sentiment de malaise. Sans doute, il est
des natures peu délicates, hardies, qui souriront de pitié à ce
puéril embarras, en songeant à la manière dont Marie avait été
élevée ; mais si elle ignorait ces enseignements de décence hypo-
crite qui, pour les femmes, s'appellent l'éducation, les règles de
convention et de tradition où leur langage et leurs actions sont
notées selon chaque circonstance, elle avait reçu du ciel une inflexi-
bilité de conscience que rien n'avait faussée; tout ce qu'elle pensait,
disait ou faisait était à elle ; on ne lui avait pas appris la modestie,
mais sa vertu était d'instinct, et la réserve la plus étudiée l'eût en-
tourée de moins de respect que le laisser-aller de ses manières.
C'était cette pudeur innée, trésor de délicatesse et do grâce, dont
 l'amour seul peut soupçonner ou deviner tous les mystères, qui
retint Marie sur le seuil du chalet. Sans doute Raoul la comprit ins-
tinctivement, car il revint s'asseoir sous un vieux saule déjà couvert
de feuilles, au pied duquel s'étendait un banc moussu ; Marie prit
place auprès de lui. —J'ai voulu, ma bien-aimée, dit Raoul, vous
faire part d'un désir dont j'aurais hésité à entretenir votre père avant
vous. Engagé par ses promesses, il doit confirmer le nom de fils
qu'il m'a donné souvent, à une époque qui me semble bien éloignée
encore; me permettez-vous d'essayer d'obtenir de lui qu'il avance
cet instant si ardemment souhaité ? — Marie garda le silence. A
 l'amour d'une femme il suffit de voir l'objet aimé, de l'entendre, de
 respirer le même air que lui, d'emporter, en le quittant, le souvenir
 d'un regard ou d'un serrement de main ; et quelque profond et vrai
 que soit cet amour, il redoute toujours un instant solennel, si désiré
 qu'il soit, et ne change qu'en tremblant l'espérance contre le bon
 heur. Marie n'était pas préparée à la demande de Raoul, elle hési-
  tait, les paroles manquaient à sa pensée. Raoul, alarmé, le regard
  voilé de tristesse, prit sa main dans les siennes. 11 y a, pour de