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                        UGO FOSCOLO.                       371

 chaussées et son port déserts : elle n'était plus la fée des
 mers, mais était admirable encore. Doué d'un jugement droit,
 d'une aversion qui allait jusqu'au délire pour tout genre d'in-
justice, Foscolo apprécia le gouvernement de Venise à me-
sure qu'il le connut. Il vit tout un peuple courbé sous un
joug méprisant et féroce ; et la haine s'établit dans celle ame
où avaient régné de naïves admirations. Trop généreux pour se
contenir, il se répandit en paroles imprudentes et donna des
complices à sa colère. La dénonciation, qui prenait à Venise
toutes les formes, protesta contre cette fougue d'indignation.
Foscolo fut traduit devant les inquisiteurs de l'Etat. Il partait
pour se rendre à ce formidable appel, quand, d'une voix calme,
sa mère lui dit : « Va, mon fils, et meurs plutôt que de te
« déshonorer en trahissant tes amis. » Le cœur du jeune
homme était à la hauteur de cette richesse de sentiment. Sa
liberté apparente lui resta; il ne fut pas condamné à gémir
sous les plombs ou dans les cachots du palais de Saint-Marc;
mais il devint l'objet d'un espionnage ténébreux et dégoûtant.—
Plus tard, nous le voyons suivre h Padoue les brillantes leçons
de Cesarotti.
   La renommée et les ouvrages d'Alfieri agirent sur Foscolo ,
d'une manière bien plus influente que l'éloquence de Cesa-1
rotti. L'Italie entière s'était passionnée pour le génie altier
du poète d'Asti. On apprenait ses tragédies ; des hommes et des
femmes d'un rang élevé les jouaient avec orgueil. Pas d'acte
simple dans cette vie qui n'excitât une curiosité ardente. Fos-
colo partagea l'ivresse de tous. La pensée large et fougueuse
d'Alfieri était la sienne. Comme lui, il divinisait Plularque ; —
comme lui encore, il n'avait que dédain pour les mollesses
cadencées de Metastasio. A des temps noblement tourmentés,
il fallait une langue souverainement énergique. Quand on
compare Alfieri et Foscolo, on s'étonne d'abord qu'ils soient
restés personnellement inconnus l'un à l'autre ; puis on se dit