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464                 DES CARACTÈRES GÉNÉRAUX

raie et d'une justice universelle, de lois naturelles antérieures
et supérieures à toutes les lois écrites, et il montre cette justice
et ces lois naturelles respectées au Japon et à la Chine tout
aussi bien qu'à Londres ou à Paris. « L'idée de justice me
paraît, dit-il, tellement une vérité de premier ordre à laquelle
tout l'univers donne son assentiment, que les plus grands
crimes qui affligent la nature humaine sont tous commis sous
un faux prétexte de justice.... La notion de quelque chose de
juste me semble si naturelle, si universellement acquise par
tous les hommes, qu'elle est indépendante de toute loi, de tout
pacte,de toute religion (1). » Il ne seraitpasdifficile de multiplier
à l'infini de pareilles citations pour prouver qu'il s'agit ici d'un
système et non pas de quelques passages contradictoires échap-
pés par hasard à la plume abondante et facile de Voltaire.
 On peut s'en convaincre en lisant son grand ouvrage sur les
 mœurs et sur l'esprit des nations. Le principe constant de
 toute sa critique historique est l'idée d'une morale et d'une
 raison universelle, et l'histoire telle qu'il l'écrit n'est qu'un
 perpétuel et admirable plaidoyer en faveur de cette justice et
 de celte raison. Ce n'est pas à son insu, mais de la manière la
 plus explicite que Voltaire abandonne Locke sur la question de
 l'universalité de la raison et des principes de la morale. Car lui-
 même il combat tous les arguments du premier livre de l'Essai
 surV entendement Humain contre l'existence d'une morale uni-
  verselle, il pousse même l'irrévérence jusqu'à se moquer un peu
  de l'excessive crédulité de son philosophe par excellence, et il
  n'hésite pas à déclarer que sur ce point fondamental il se sépare
  entièrement de lui. Je cite ses propres paroles: «En abandon-
  nant Locke en ce point, je dis avec le grand Newton : Natura
  est semper sibi consonans, la Nature est toujours semblable à
  elle-même. La loi de la gravitation qui agit sur un astre, agit

   (i) Iliid, Le Philosophe ignorant, cliap. 3r et 32,