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MADEMOISELLE DE MAGLAND. 423 soins et de plaisir;—mais Marie avait déjà la pudeur de la pauvreté, et elle s'opposa formellement à toute démarche qui aurait pour but d'implorer l'assistance de Raoul en matière d'intérêt. Son oncle partagea son avis, et, malgré les supplications d'Auguste, qui se désespérait de voir passer aux mains d'Alix tous ces trésors d'art qui le rendaient si heureux , et qu'elle méprisait si complètement, M. de Malvignane demanda et obtint de la famille O'Kennely la plus gracieuse hospitalité, jusqu'à ce que, toutes les affaires terminées, il pût emmener Marie dans sa terre de Malvignane qui constituait à peu près toute sa fortune. Nous n'insisterons pas sur les tristes moments qui précédèrent celui où Marie dut quitter le Genêt. Ce fut avec un cruel serrement de cœur, qu'elle parcourut, pour la dernière fois, cette douce re- traite où s'était écoulée son heureuse enfance, où elle avait connu et aimé Raoul ; tous les objets semblaient animés pour elle ; il y avait entre eux et elle comme un lien du cœur. Tout ce qui l'en- tourait semblait partager sa douleur ; car, dans nos joies comme dans nos peines, nous imaginons toujours que la nature sympa- thise avec les dispositions de notre ame ; tristes , tout pleure avec nos larmes, joyeux, tout s'égaie avec nous. Peut-être, dans ses rêves d'avenir, Marie s'était-elle dit tout bas que ces vastes prairies, théâtre de ses jeux, seraient un jour foulées par ses enfants ; que ces beaux arbres qui l'avaient vue naître, qui avaient prêté l'ombre de leurs rameaux à ses chastes amours, prêteraient plus tard l'appui de leurs troncs à sa tranquille vieillesse. Là , elle avait été si heu- reuse, qu'il ne lui avait jamais semblé possible que le malheur pût y pénétrer. Elle entra dans la bibliothèque pour prendre un livre qu'elle tenait de Raoul. Aucun bruit ne troublait le silence funèbre qui y régnait, que le murmure du vent qui agitait le rideau de lierre et de jasmin sur les vitraux. La porte qui conduisait dans l'apparte- ment qu'elle avait dû habiter avec Raoul était ouverte, mais elle ne la franchit point ; elle était dans une de ces tristes situations de l'ame où l'on sent la nécessité de mettre sa douleur sous la protec- tion de sa pitié; en présence de ces souvenirs de son bonheur passé, elle ne songeait qu'à s'affermir contre leur pouvoir. C'est un triste spectacle que l'appartement désert de ceux qu'on a chéris, quand on