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226 DANTE, BOCCACE, dans les parties qui étaient le plus exposées à la brutalité des spoliateurs,—et en quelles archives ne voit-on pas les mêmes dégâts?— néanmoins il n'est aucun livre dans lequel les \ marges soient coupées, les feuillets arrachés. Les manuscrits S qui présentent les marges les plus belles, les plus remarqua- bles, auraient dû souffrir plus que les autres, et pourtant ce sont les mieux conservés. Si l'on faisait ce trafic de vandales pour gagner quatre à cinq sous, les moines devaient néces- sairement porter la main sur ces belles lettres capitales, si ri- chement peintes, el les vendre de préférence, car elles étaient de nature à être bien plus appréciées, pour la couleur tout au moins, par les femmes et les enfants. Mais voilà que ces lettres sont encore à leur place, belles et vives (1). Ce sont là des raisons positives, et pour les détruire, il faudrait en trouver de contraires, mais de môme espèce. Je conclus donc comme un homme qui cherche la vérité, et . non pas qui tâche, par des hypothèses forcées, de laver lesj, moines du reproche qu'on leur adresse, — je conclus, en di-j sant que si Boccace vint au Mont-Cassin entre 1348 et 1351, . il va sans dire qu'il trouva la Bibliothèque en fort mauvais état, mais qu'il ne pouvait en être autrement, les moines ayant été chassés, emprisonnés par les Hongrois et par le terrible Ja- copo di Pignalaro ; les livres, les calices ayant été enlevés par ces vandales; le monastère, enfin, ayant été bouleversé par un tremblement de terre (2). 11 ne faut donc pas ajouter foi à ces récits de marges découpées, de feuillets arrachés et vendus ; le grave Boccace trouva si gracieux d'imaginer ces gentillesses de romancier, pour faire aboyer a la robe de pau- vres moines ! Enfin, parmi différents aveux qui viennent d'écrivains mo- dernes, je citerai celui d'un homme qui n'a pas fait profes- ( 0 Dom L. Tosti ou donné plusieurs dans son Histoire. [i) Tosti, Storia, etc., lom. III, pag. 92-99.