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                             CHARLES VI.                           . 507

Rossini, et Meyerbeer, c'est là une glorieuse infortune, et qui ferait
envie à bien des gens. Cependant, nous ne croyons pas que Char-
les VI, quel que soit son mérite, que nous sommes loin de vouloir
contester, soit jamais appelé à recueillir les bénéfices d'une popularité
égale à celle des trois chefs-d'œuvre que nous venons de nommer. Si
nous avons prédit, il y a un instant, à cet ouvrage un simple succès
d'estime, ce n'est pas que nous cherchions à lui ôter de sa valeur,
nous croyons à cette valeur, et nous sommes prêts à y applaudir, du
moins dans des limites raisounabies, mais c'est que pour nous ce
succès ne saurait être autrement, parce qu'il tient à deux causes :
au genre lui-même et à l'individualité propre de l'auteur. Nous nous
expliquons : depuis que les grandes machines musicales sont deve-
nues si fort à la mode on a remarqué que les réussites étaient d'au-
tant plus rares que les œuvres nouvelles étaient conçues dans de
plus vastes proportions, et la raison en est toute simple; en pré-
sence d'une action dramatique développée en cinq actes, et quel-
quefois plus, de cortèges brillants et nombreux, de décors splendi-
des, de toute la pompe, de toute la richesse que les talents réunis
du peintre et du costumier ajoutent au drame lyrique, le composi-
teur qui est dans des conditions ordinaires de talent et d'inspira-
tion, se trouve de prime abord écrasé par la grandeur de la tâche
qu'on lui impose. Aussi, lorsqu'il entreprend la traduction musicale
des situations à lui réservées par le librettiste, dans l'entreprise co-
lossale que tant de créateurs concourent à mener à bonne fin, il doit
toujours craindre d'être vaincu, et le plus souvent c'est lui qui
succombe. Comment serait-il possible qu'il en fut autrement,quand,
pour lutter contre les splendeurs vraiment féeriques de la Reine de
Chypre et de Charles VI, à l'Opéra, il faudrait que le musicien pût
réunir dans son œuvre, à la verve entraînante et toute italienne de
Sémiramis, l'ampleur magnifique et les formes grandioses de Mosé.
Voilà pourquoi M. Halevy, qui n'est ni un professeur de contrepoint
vulgaire, ni un harmoniste ennuyeux et pédant, comme le vou-
draient faire croire ses ennemis, mais qui est tout simplement un
musicien de mérite, doué d'une inspiration médiocre et d'une ordi-
naire spontanéité, a voulu tenter, vis à vis de la Reine de Chypre
et de Charles VI, une entreprise qui dépasse quelque peu la mesure