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430                      BULLETIN THEATRAL
Marie-Louiso Beltoni (I) arrive à Paris pour débuter à l'Opéra
comme première danseuse. Elle entend un soir Rachel dans Andro-
maque, et sort des Français, en disant tout bas à son père : « J'en
veux faire autant. » Dès ce moment, sa vocation était décidée.
Huit jours après, au grand étonnement de quelques amis assemblés,
elle redisait le rôle d'Hermione, qu'elle avait religieusement écouté
et retenu. Trois mois s'étaient à peine écoulés que, guidée par les
conseils de Samson et de Beauvalet, elle débutait sur notre premier
théâtre avec un grand et légitime succès ; la presse entière le con-
sacra. En se transfigurant, la Bettoni changea son nom contre le
pseudonyme d'Araldi. Elle voulut rompre ouvertement avec tout
son passé. La réussite ne tarda pas à éveiller la jalousie, et l'émule
de Rachel se vit bientôt forcée de quitter la scène de la rue de Ri-
chelieu. Le trône n'était plus assez grand pour être partagé. M Ue
Araldi, par un étrange caprice du hasard, possède un organe et
une tenue qui rappellent, à s'y méprendre, l'organe et la tenue no-
ble et simple de Rachel. Elle y joint la beauté des formes, et sait,
comme Rachel, dessiner, sous sa blanche tunique, les plis et les po-
ses de la statuaire antique. Quel dommage que ces deux artistes
ne puissent être au service do la même déesse dans le même
temple! Par quelle bizarrerie du sort se fait-il qu'il n'ait été don-
né qu'à deux jeunes filles d'exhumer du tombeau, où elle repo-
sait depuis des années, la classique tragédie enterrée sous le blanc
linceul de Talma!
   Mlle Araldi a constamment amené une foule nombreuse devant les
principales oeuvres de Racine et de Corneille. Nous l'avons vue tour
à tour interprêter d'une manière supérieure, Camille, Hermione,
Phèdre, Virginie et Lucrèce ; dans Camille surtout, elle a enlevé
les applaudissements de la salle entière par l'énergie et l'expres-
sion de ses imprécations contre Rome et Horace. Phèdre lui a
fourni de beaux mouvements, mais nous aurions voulu plus de
passion que de sentiment tendre. C'est là, du reste, le rôle le plus
difficile de tout le théâtre tragique, et s'en acquitter, la première
fois, comme l'a fait M1Ie Araldi, c'est plus que du bonheur, c'est du
talent.
  (i) Elle est née à Brcscia, en 182S.