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424               MADEMOISELLE DE MAGLAND.
sait qu'ils n'y rentreront plus, mais Marie ne voulut pas se l'épar-
gner ; elle entra dans la chambre de son père; c'était un der-
nier devoir rendu à sa mémoire ; elle se prosterna devant le lit
comme pour obtenir une seconde bénédiction , la bénédiction de
son ombre ; cette ombre, elle y était peut-être ! S'il y a des âmes
qui puissent tromper la mort, ne devons-nous pas croire que ce sont
celles qui nous ont aimé? En vain chercha-t-elle une prière dans
le fond de son cœur, elle n'y trouva que des pleurs !
    Epuisée par ses émotions, Marie s'arracha de ces lieux où l'image
de Raoul se mêlait à ses plus chères pensées ; où chaque objet qui
frappait ses regards lui représentait un lien à rompre, un senti-
ment à sacrifier, un souvenir à vaincre; où tout lui disait un adieu
éternel. En descendant l'avenue, elle cueillit une branche d'un des
innombrables arbustes fleuris auquel la retraite qu'elle quittait pour
toujours avait emprunté son nom ; elle jeta un dernier regard sur
tout ce qui l'entourait, et prit à pas lents le chemin du Pré-de-Verl,
où M. de Malvignane l'attendait déjà.
    Le lendemain, quand Marie se réveilla aux rayons d'un soleil
 éclatant, elle referma ses yeux éblouis, et dans cet état qui n'est ni
la veille ni le sommeil, où !a pensée flotte encore indécise, elle crut
 avoir fait un rêve, et se laissa bercer par ce doux mensonge ; mais
 bientôt la triste réalité vint reprendre ses droits ; vainement elle
 appela à son aide cette belle faculté qui emprunte à l'avenir pour
 embellir le présent, elle ne trouvait en elle que ces émotions fié-
 vreuses que cause l'attente d'une malheur. L'infortune est supersti-
 tieuse et Marie trembla.
    C'était une vie pleine de charmes, et qui devait inspirer de fé-
 condes réflexions, que celle de la famille O'Kennely, dont tous
 les membres, inaltérables de patience et d'humeur, étaient sans cesse
 occupés les uns des autres. M. O'Kennely était un véritable gent-
 leman ; son maintien était d'une gravité simple, sans austérité ;
 ses traits pleins de douceur, ses manières et son langage empreints
 d'une élégance native, C'était un homme de courage, de volonté et
 de vertu. Lorsqu'il arriva au Pré-de-Vert, il n'y trouva qu'un ha-
 meau assez pauvre. Il eut bientôt changé l'aspect de ces campagnes
 en donnant du travail aux bras inoccupés. Il combattit autour de