Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                                        253
    Il n'est nullement question , dans ces deux derniers vers, d'une supersti-
tion populaire du XVI siècle, comme le Censeur l'a cru, mais tout simple-
ment, dit le Réparateur, d'une fable mythologique bien connue. Il suffit,
pour s'en convaincre, d'ouvrir le Dictionnaire de la Fable, de Noël. «Asca-
laplie , fils de l'Acliéron et de la nymphe Orphné , était un des officiers de
Pluton. Cérès, après l'enlèvement de sa fille, obtint de Jupiter la permission
 d'aller la chercher aux enfers et de la ramener sur la terre, pourvu que
Proserpine n'eût rien mangé depuis son entrée dans le sombre empire. Asca-
laphe rapporta qu'il l'avait vue manger six pépins d'une grenade qu'elle avait
cueillie dans les jardins de Pluton. L'arrêt fut changé , et Proserpine obligée
de passer six mois dans les enfers et six mois auprès de Cérès, qui, pour
punir Ascalaphe de son indiscrétion , le changea en hibou. »
    C'est à cette indiscrétion d'Ascalaphe qne le poète fait allusion lorsqu'il
fait dire à Peloux :
                       Pour ce , car tant que là je fus ,
                       Kien ne me vit manger Ascalaphus.

   En effet, comme Peloux était resté sept jours et sept nuits dans le sein de
la nature , sans aucune nourriture, il répond qu'Ascalaphus ne le vit pas
manger, et par conséquent ne put pas le faire retenir, comme il avait fait
autrefois pour Proserpine.
   Cet événement dut faire une grande sensation à Lyon , puisque , outre les
vers qu'on vient de lire, Barthélémy Aneau en a encore conservé la mémoire
dans une pièce de vers latins et dans un récit en prose latine qu'on trouve
à la fin d'un recueil de ses œuvres , intitulé : Picta poesis.
   Yoici la traduction de ce récit :
    « Dans les premiers jours de février de l'année 15S2, un puisatier de
Lyon , nommé François Peloux, vieillard sexagénaire , étant occupé à creu-
 ser un puits sur la colline de Saint-Sébastien , dans la maison de campagne
de Louis Deirieux, et étant parvenu à la profondeur de quarante pieds , fut
 enseveli vivant par un éboulement qui combla le puits à la hauteur de trente-
cinq pieds. A l'approche du danger, il eût la présence d'esprit de se réfu-
 gier sous une planche qui se trouvait là et qui le garantit de la chute de
 celte masse de terre. Bans cette position, il put respirer un peu et vécut sept
jours et sept nuits, sans manger et sans dormir, réduit à boire son urine pour
soutenir ses forces, exempt du reste de douleur et de tristesse. Plein d'es-
 pérance (qu'il avait placée en Dieu seul), il appelait à grands cris du se-
 cours, mais il n'était entendu par personne, quoique le mouvement, le bruit
 et les paroles de ceux qui étaient placés au-dessus parvinssent jusqu'à lui,
 et qu'il put compter les coups de l'horloge qui marquaient les heures. Le