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102 beaux génies ; quelques-uns, dis-je, ont trouvé sur leurs pas l'ignorance, le m é p r i s , la haine, et ils ont lutté. Mais la haine anonyme ne donnait point de prise à leurs coups ; mais l'ignorance redoublait les siens , car elle n'aime pas qu'on lui prouve ses fautes ; mais le mépris, sans cesser de relever sa lèvre dédaigneuse, continuait ses douloureuses attaques. Ils luttèrent donc , les infortunés, mais en vain. Le lion , roi des animaux, du consentement de tous les siècles, tombe chaque jour sous lés foudres honteux du Cafre et du Holten- tot. Eux aussi tombèrent écrasés sous des feuilletons de toutes formes. Celui-ci, au bout de sa carrière, riche de quarante ans d'honneurs , de titres, de pensions, colosse aux pieds d'argile,renversé par le caillou d'un p â t r e ; il se tua... Celui-là , grand déjà , immense même , mais produisant en- core , pur, fin, tout convenances et poésie : il s'est condamné au silence. Et les autres!... Escousse!... Lebas!... Je n'ose m'appesan- tir sur les temps modernes, car ou nos artistes sont vivants, ou leurs cendres sont encore chaudes ; mais voyez , fouillez quelques lustres en arrière, vous y trouverez de nombreuses victimes de la critique irréfléchie ou partiale. Herwin de Hein- bach , bafoué par l'Italie ; Bramante, remplacé par d'ignares maçons ; l'Arioste , avili et dénigré par G. Amelunghi ; l'Aré- t i n , proclamé il divino ; plus t a r d , le grand Salvator luttera dix ans contre le besoin ; repoussé par les peintres en titre , il sera obligé de s'humilier presque pour être admis à St-Luc, l u i , le fier et spirituel Napolitain. Les merveilles grotesques et naïves de Téniers le père seront bannies de la France , pour avoir été désagréables au grand roi. Les bambochades flamandes sont ridiculisées par l'Italie dégénérée. Bouché et Wanloo sont portés aux nues par Voltaire et son siècle , qui leur prodiguent les épithètes de grands et d'inimitables. Mil- ton, moqué et méconnu même dans sa patrie, mourra pauvre sans jouir de sa gloire ; Racine sera dénigré par la colerie-Sé- vigné, et son Athalic ne renaîtra que cinquante ans après sa