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beaux génies ; quelques-uns, dis-je, ont trouvé sur leurs pas
l'ignorance, le m é p r i s , la haine, et ils ont lutté. Mais la haine
anonyme ne donnait point de prise à leurs coups ; mais
l'ignorance redoublait les siens , car elle n'aime pas qu'on lui
prouve ses fautes ; mais le mépris, sans cesser de relever sa
lèvre dédaigneuse, continuait ses douloureuses attaques. Ils
luttèrent donc , les infortunés, mais en vain. Le lion , roi
des animaux, du consentement de tous les siècles, tombe
chaque jour sous lés foudres honteux du Cafre et du Holten-
tot. Eux aussi tombèrent écrasés sous des feuilletons de
toutes formes. Celui-ci, au bout de sa carrière, riche de
quarante ans d'honneurs , de titres, de pensions, colosse aux
pieds d'argile,renversé par le caillou d'un p â t r e ; il se tua...
Celui-là, grand déjà , immense même , mais produisant en-
core , pur, fin, tout convenances et poésie : il s'est condamné
au silence.
       Et les autres!... Escousse!... Lebas!... Je n'ose m'appesan-
  tir sur les temps modernes, car ou nos artistes sont vivants,
  ou leurs cendres sont encore chaudes ; mais voyez , fouillez
  quelques lustres en arrière, vous y trouverez de nombreuses
  victimes de la critique irréfléchie ou partiale. Herwin de Hein-
  bach , bafoué par l'Italie ; Bramante, remplacé par d'ignares
  maçons ; l'Arioste , avili et dénigré par G. Amelunghi ; l'Aré-
  t i n , proclamé il divino ; plus t a r d , le grand Salvator luttera
 dix ans contre le besoin ; repoussé par les peintres en titre ,
 il sera obligé de s'humilier presque pour être admis à St-Luc,
 l u i , le fier et spirituel Napolitain. Les merveilles grotesques
 et naïves de Téniers le père seront bannies de la France ,
 pour avoir été désagréables au grand roi. Les bambochades
 flamandes sont ridiculisées par l'Italie dégénérée. Bouché et
Wanloo sont portés aux nues par Voltaire et son siècle , qui
leur prodiguent les épithètes de grands et d'inimitables. Mil-
ton, moqué et méconnu même dans sa patrie, mourra pauvre
sans jouir de sa gloire ; Racine sera dénigré par la colerie-Sé-
vigné, et son Athalic ne renaîtra que cinquante ans après sa