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  critiques prononcent, avec un imperturbable à-plomb, fière-
  ment et comme des chevaliers sans peur et sans reproche.
  Ici l'on aurait tort de croire que je veuille parler de ceux
  seulement qui formulent leurs opinions dans les journaux :
  à cette classe souvent estimable se joint une foule fashionable
  qu'on entend murmurer un inintelligible langage dans les
  salons , en province comme dans la capitale ; tourbe super-
  ficielle qui colore du beau nom d'arlistique chaque extrava-
  gance qu'enfante la rage de faire effet. Ces deux subdivisions
  de la race des jugeurs que j'essaie de signaler, ne se distin-
 guent réellement que par les voies qu'elles prennent pour
 donner la publicité à leurs opinions. A ceux-ci la presse pé-
 riodique ou pamphlétaire; à ceux-là les causeries préten-
 tieuses dans les roûts et soirées, et le droit de former exclu-
 sivement l'éducation artistique des nos bas-bleus. Toutes deux
 du reste se réunissent dans le but d'imposer leurs prédilec-
 tions au public; toutes deux, causes de désappointements
 fréquents, sources des plus amers déboires. Et l'on se gar-
 derait bien de me taxer d'exagération, si l'on savait jusqu'où
 peuvent aller l'inanité et l'influence de ces Aristarques. Que
 de graves et consciencieux travailleurs ont été dégoûlés des
 arts par leurs inconséquences ! Que d'éphémères réputations
 se sont élevées et régnent encore, imposées à la multitude
 par ces autorités de robe courte ; et le mal n'est qu'à demi
lorsqu'ils se sont contentés d'élever sur le pavois la médio-
 crité et le mauvais goût ; car les artistes auraient mauvaise
 grâce à se plaindre des éloges qu'ils reçoivent sans les avoir
 demandés. Ils les trouveront maladroits peut-être, injustes
 souvent ; mais qu'importe ! nul n'y perdra, et ces planètes
passagères qui brillent d'un si vif éclat ne répandent pas une
trop excessive obscurité sur les autres astres. Une erreur de
plus reçoit la sanction de la publicité; qu'est-ce que cela,
puisqu'elle n'est nuisible à personne ?
    Mais il est d'autres cas où l'on ne saurait trop résister à la
folle et désastreuse influence du feuilleton écrit ou parlé.