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                         EN OISANS                       377

   Le refuge Tuckett, situé à 2,504 mètres d'altitude, est
d'une humidité déplorable, qui se condense sur la voûte en
ciment pour vous retomber en gouttes d'eau sur le nez
durant votre sommeil. Il y manque encore une table pour
dîner et des bancs... pour s'asseoir. De plus la porte et la
fenêtre s'entêtent avec une obstination rare, à ne vouloir ni
s'ouvrir ni se fermer. Elles poussent des cris perçants
chaque fois qu'on veut les y contraindre et se cramponnent
tellement à leurs gonds qu'elles les arracheraient plutôt
que de céder; je trouve cela absurde, il faut qu'une porte
soit ouverte ou fermée, et une fenêtre aussi.
   Cependant loin de souffrir du froid, nous ne nous
inquiétons que de la chaleur : il y a 10 degrés au-dessus de
zéro, c'est un présage de mauvais temps.
   A cinq heures du matin, Gaspard sonne la diane. Inu-
tile de nous presser : il pleut.
   Nous partons sans enthousiasme. Sur le glacier Blanc
nous venons de nous mettre à la corde avec l'intention de
franchir seulement le col Emile !Pic (3,502), lorsqu'un
chamois déboule devant nous comme un lapin, et se
« croche » dans les rochers sur la droite.
   Nous le saluons de nos cris, puis le silence règne de
nouveau dans les rangs, plus profond que jamais.
   Tout est triste aux alentours. Les sommets du Pelvoux,
du Pic des Agneaux, de la Grande-Sagne, des Écrins, sont
noyés dans la brume, et, c'est notre dernier jour de
vacances : deux bonnes raisons pour être taciturnes.
   Néanmoins la pluie se calme, et Gaspard, pour ranimer
cette antique valeur, tente de frapper un grand coup.
   Il s'arrête et contemple un instant d'un œil inspiré les
rochers qui s'élèvent à droite, entre le col du glacier Blanc
et le Pic Cordier, dont la cime nous est encore cachée.