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              LE PAGE DU BARON DES ADRETS.               333

le silence de la nuit, sans opposer poitrine contre poi-
trine, fer contre fer, sans l'enivrement du combat, tuer
froidement avec une arme de femme un si vaillant soldat,
soulevait son indignation; il hésita, et regardant son
compagnon :
    — Tu as le nom de Satan écrit sous la plante du pied,
lui dit-il.
    — Vous manquez de cœur, Monseigneur , répliqua
l'Italien avec un méprisant sourire.
    — Tu mens , riposta le baron en le menaçant de la
main, et se retournant vivement, il voulut achever son
crime, mais son brusque mouvement heurta le réchaud
qui se renversa sur la tombe ouverte. Les charbons et la
liqueur couvrirent le linceul qui s'enflamma, une flamme-
bleue se répandit sur les vêtements du moine et sur son
cadavre, qui, cette fois, parut se tordre. Une lueur ef-
frayante éclaira le caveau, pendant qu'une fumée épaisse
s'élevait vers la voûte et qu'une odeur infecte se répan-
dit dans le vaste souterrain.
    Atteintes par la chaleur, les deux statues fléchirent sur
leur base, et avant qu'on eût pensé à les arracher de leur
place, elles se renversèrent ensemble dans le brasier, où
bientôt fondues et consumées, au lieu de donner à l'un
la mort, à l'autre le pouvoir, elles ne servirent plus, masse
inerte, ou tache immonde, qu'à plus vite activer la flamme
qui dévorait le religieux.
    Livides et consternés, immobiles à cet affreux spectacle,
 les deux violateurs de tombeaux ressemblaient à deux
 statues, dont un artiste habile aurait orné un mausolée,
 où plutôt à deux anges des ténèbres, envoyés sur la terre
 pour commettre un crime, et contemplant leur ouvrage