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232 TABAC. graves toutefois, dont je ne mentionnerai ici que les plus saillants : 1° Vous avez un cigare à la bouche, et vous causez avec un ami, quand le feu de votre éloquence qui s'allume vous empêche de songera celui de votre tabac qui s'éteint; puis, emporté par la discussion, vous ne vous apercevez point que vous aspirez une matière froide, insensible, et que vous n'en retirez qu'une saveur acre, qui vous infecte la bouche en pure perte; 2° Vous rallumez votre feuille roulée; puis, instruit par votre accident, vous allumez l'incendie qui en consume l'une des extrémités ; mais voilà qu'après l'avoir ôté mo- mentanément de vos lèvres vous oubliez, en l'y remettant, quel est le bout qu'il convient d'y placer, et vous vous rôtissez la langue, tout en la saupoudrant de cendres chau- des; 3° Après avoir allumé votre cigare, vous négligez de secouer le morceau d'amadou qui vous servit à cet effet; ce malheureux morceau tombe enflammé sur le nœud de votre cravate, sur votre gilet, dans les plis de votre jabot, et le voilà qu'il perce à jour les ornements les plus délicats de votre toilette ; 4° Ami de l'économie, vous fumez vos cigares à fond, et n'en donnez à la ferme des boues que la plus petite partie possible, si bien que parfois vous ne rejetez ce dernier débris qu'après,qu'il vous a préalablement grillé les lèvres et procuré une cuisson et un dépit également violents; 5° Enfin l'odeur du tabac, une fois maîtresse de votre bouche, y règne en despote, n'en déguerpit qu'avec peine; en dépit des gargarismes fallacieux, elle accompagne fidè- lement votre haleine, et repousse, de compte à demi avec elle, les épanchements de l'amour et l'approche des nez délicats. • Le cigare, d'ailleurs, vous lance tout droit dans une étroite personnalité : on n'a pour lui aucun de ces soins et de ces égards que réclame une pipe; celle-ci est souvent