page suivante »
128 LES FRÈRES TAILLEURS DE LYON. la messe. Les frères, sans cesser de travailler, récitaient le cha- pelet, chantaient des cantiques, ne rompaient le silence qu'à voix basse et par nécessité, et pendant le repas écoutaient une lecture spirituelle. Les fêtes et dimanches, ils étaient assidus aux offices divins, visitaient les hôpitaux, les prisons et les pauvres malades dans leurs maisons, et tous les ans ils faisaient une re- traite de quelques jours ; à neuf heures du soir ils se couchaient, après la prière en commun. Je ne saurais préciser l'année qui vit l'établissement à Lyon des frères tailleurs. Les seuls documents que j'aie trouvés sont deux mémoires en faveur des chanoines de Saint-Jean, à l'occasion d'un procès qu'ils intentèrent aux disciples de Michel Buch. Ces deux pièces judiciaires, de 1762 et 1766, me guideront dans l'histoire que j'entreprends de cette communauté ouvrière, fonc- tionnant au sein de notre ville. La cause de ce procès consistait dans le fait que les frères tailleurs étaient propriétaires d'im- meubles dépendant de la directe du chapitre de Saint-Jean, qui leur réclamait le droit de l'homme vivant et mourant. Voici en quoi consistait ce droit : les maisons existant dans la directe d'un seigneur lui devaient les laods, c'est-à -dire des droits de mutation à chaque changement de propriétaires. Mais les or- dres religieux ne mourant pas, et par conséquent n'ayant point d'héritiers, il s'en suivait que les droits de directe devenaient illusoires lorsqu'ils reposaientsur une communauté. Pour obvier à cet élat de choses, on avait imaginé de constituer un pro- priétaire fictif. A son décès, il était remplacé par un autre, et l'on payait au seigneurie droit de mutation, qui dans un grand nombre de coutumes équivalait au revenu d'une année. Ce propriétaire fictif était donc ce qu'on appelait l'homme vivant et mourant. (1) Les frères tailleurs cherchant à prouver qu'ils sont (1) Je dois à mon collègue M. ïlrouchoud, la présente note sur l'homme vivant et mourant : il n'était pas nécessaire que le propriétaire fictif fût membre de la communauté à laquelle appartenaient les immeubles dé- biteurs de cet impôt. Ainsi, en 1686, les Grands Carmes de Lyon choi- sissent, pour une maison delà Croix-Rousse, un enfant de sept ans; en