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                         BIBLIOGRAPHIE.                       321

   Lorsqu'on poursuit plus loin l'étude de Pétrone on est surpris
de reconnaître dans son talent cette finesse et cette galanterie
qui constituent un des caractères les plus nets de l'esprit
français.
   Je pourrais citer certain conte d'une composition si bien en-
tendue, d'une allure si •vive, d'un ton si leste et d'une conclusion
si piquante qu'on le croirait tiré d'un roman de Voltaire. Les
vers intitulés : La Boule de neige, traduits parMarot, semblent,
à cause de l'ingénuité du sentiment, appartenir à l'auteur fran-
çais plus encore qu'à l'auteur latin. Tel autre morceau est un
madrigal dans le goût du xviie siècle. — La lettre, je veux dire le
poulet, de Circé à Polyœnos est un petit chef-d'œuvre de persi-
flage auquel l'esprit de Bussy-Rabutin ne trouva rien à ajouter et
que, malheureusement pour lui, il copia trop servilement.
   On comprend par là la faveur dont a joui Pétrone pendant
les xvi° et XVII0 siècles. Condé le tenait en si grande estime qu'il
pensionnait un lecteur chargé uniquement de lui en lire un pas-
sage chaque jour ; mais, de tous, celui qui poussa le plus loin
l'admiration fut Saint-Evremond. Il faut dire que l'admiration
de ce grand seigneur est intéressée et se traduit en imperti-
nence pour les autres écrivains qui, n'ayant pas habité la cour,
ne sauraient avoir ni le goût ni la délicatesse qu'il se plaît à
louer dans l'ancien favori de Néron. Saint-Evremond peut être
impertinent tout à son aise : Figaro n'est pas encore venu.
   C'est encore lui qui, parlant de la mort de Pétrone, la compare
et la préfère à celle de Socrate. Tout cela peut passer pour la
flatterie d'un courtisan à un autre courtisan, était bon à répéter
dans la ruelle ds Ninon ou dans les petits soupers des Trots-
 Côteaux, mais ne vaut pas cette maxime de Cicéron rappelée
si à propos par M. Pétrequin .- « Vita turpis ne morti quidem
honestœ loeum relinquit. »
   Toutefois, à une époque où, dans Je cirque, l'esclave con-
damné crie : Ave, César ! où Sénèque, pour conjurer la menace,
fait Néron héritier de ses biens ; où Lucain dénonce sa mère
 pour ne pas mourir ; où Thraseas, seul, se souvient de Caton et
 reste stoïque, on doit tenir compte à Pétroae d'avoir su quitter
                                                      ai