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BIBLIOGRAPHIE. 317 au but que se serait proposé l'auteur, qu'il faut supposer que Pétrone a dû composer le Satyricon longtemps avant sa mort et que le pamphlet qu'il a adressé à Néron n'en représen- tait qu'un extrait, qu'un court résumé ; il est même permis de penser, c'est ici une opinion personnelle que je défends, que cet extrait n'appartient pas à cette portion de l'œuvre de Pétrone qui nous est parvenue. Il est difficile, en effet, de rencontrer, dans les récits de l'auteur, une satire suffisante des turpitudes de Néron. En prenant à chaque personnage son vice le plus repoussant, sa passion la plus basse, son ridicule le plus gro- tesque, on ne parvient pas à en former un tout qui nous montre le fils d'Agrippine dans ses proportions véritables, dans sa triple incarnation de bouffon, de bête et de dieu. Je doute même que Pétrone, en écrivant son livre, ait eu d'autre but que de faire montre de son talent et de se délas- ser des fatigues du plaisir dans les exercices plus salutaires de l'esprit. Il nous offre, sans doute, le tableau des mœurs de son époque, mais c'est moins pour en faire la critique que pour y trouver l'occasion de scènes risquées dont il corrige le réalisme rebutant avec l'art le plus correct et le plus pur, et sur l'effet desquelles il compte bien pour relever le goût affadi des blasés et des corrompus. En examinant les choses de plus près, quel personnage pourrait en effet représenter Néron ? Le héros du livre est, à vrai dire, un débauché, un Ganimède complaisant, une sorte de miroir à Phryné, un fripon, un voleur. Mais, qu'est-ce que cela ? à peine une lentille sur le masque difforme de César. Eumolpe, un autre type, est le portrait du poète tel qu'on l'a retracé bien souvent et qui n'a cessé d'être vrai que de nos jours : il est mal vêtu, affamé, vit de sa bassesse et de la sportule. Cela ne peut guère se comparer au maître de l'uni- vers. 11 est vrai que Néron a des prétentions à la poésie, mais en fait, c'est un méchant poète et il serait étrange que Pétrone lui prêtât les beaux vers sur la Ruine de Troie et ceux de la Guerre civile. Cet Eumolpe qui ne peut ouvrir la bouche sans entendre des