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TABAC. 238 c'est l'y enfoncer jusqu'au nez. Cependant ses premières tabatières sont d'une forme décevante ; elle fait d'abord des concessions aux convenances, en mettant son tabac dans de jolies bonbonnières en écaille ; mais peu à peu ses boîtes grandissent avec son penchant, et, enfin, elle étale sans pudeur des tabatières en buis de Saint-Claude de la dimensions la plus effrontée. Elle s'endort dans sa honte, tient sur ses genoux ces témoins de la perversité de ses in- clinations, les porte dans son sac à ouvrage, ne saurait s'en passer, nulle part, et présente hardiment aux yeux ébahis son affreuse habitude dans tout son scandale. Voilà l'histoire, malheureusement trop vraie, des priseuses nais- santes. L'âge arrive ensuite; et quelques prétentions qui luttaient encore, mais faiblement, ayant cessé, il n'est plus de bornes au mal, qui s'accroît chaque jour. La priseuse offre alors un spectacle que je craindrais de peindre s'il n'était pas si fréquent. La voyez-vous le visage barbouillé, le nez reluisant, humide, enflé ! Contemplez cette place que la nature embellit en la rendant proéminente, cette poi- trine, ancien asile des grâces, couverte d'ajustements souillés! Examinez le pouce de la main coupable empreint de vestiges accusateurs! Quel tableau! J'étais dernièrement dans un bal où se trouvaient réu- nies toutes nos jeunes beautés; au milieu de ce folâtre essaim, une dame d'environ vingt-cinq ans, brune, fraîche et vive, attirait les regards de nos fasionables. Cette dame avait l'air préoccupé; à ses gestes d'impatience on pouvait aisément deviner qu'elle était vivement en peine. C'est un amant qui se fait attendre, disait l'un; non> disait mali- gnement un autre ; n'avez-vous pas vu M*** danser le ga- lop avec MUe W***, et ne le voyez-vous pas encore adres- ser à celle-ci des choses flatteuses, sans doute ? L'inquié- tude et le désespoir semblaient redoubler chez notre jeur^e dame, qui ne s'apercevait pas de nos regards scrutateurs, et qui, dans son agitation, paraissait vouloir, à tout mo- ment, se précipiter sur quelqu'un. Elle a oublié sa taba-