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230                         TABAC.
les rois en donnent à tous ceux auxquels ils veulent té-
moigner leur contentement, sans s'informer même s'ils
prennent du tabac ; c'est comme une séduction de leur
part pour les engager à propager l'usage d'un produit
dont l'impôt rapporte passablement au fisc, et dont le pou-
voir a le monopole.
    On dit aussi que le tabac excite l'imagination ; je me défie
un peu de cette opinion-là, depuis que j'ai vu des gens por-
tant des tabatières énormes avoir de bien petites cervelles.
Le tabac qui les tenait éveillés n'empêchait point qu'ils
n'endormissent leurs auditeurs.
    Il est une catégorie de pnseurs nommés priseurs-cor-
 saires; ce sont ceux qui usent du tabac sans l'acheter et
 s'en régalent aux dépens d'autrui ; classe nombreuse qui
 s'appuie de mille mauvaises raisons pour excuser son im-
 portunité, telles que l'appréhension de contracter une
 habitude fâcheuse, la crainte d'enfreindre les ordres d'une
 épouse exigeante, etc. Ces gens-là sont à la piste de prises,
 comme des pirates ; le bruit que fait une tabatière en
  s'ouvrant est pour eux un appel certain; leurs doigts, qui
 se plongent dans toutes les boîtes, passent en revue toutes
 les qualités, depuis le Saint-Vincent jusqu'au Virginie,
  et leurs narines sont barbouillées le soir des échantillons
  divers do tous les tabacs du monde écorniflés dans la
 journée.


   Bien que l'on fume également avec la pipe et le cigare,
il y a cependant une énorme distance entre ces deux ma-
nières de brûler du tabac. Le fashionnable peut se permet-
tre le cigare; s'il se respecte, il repoussera la pipe; le
pourquoi de cet usage je ne me charge point de le dire
au juste, mais je dois le signaler; car il est certain que
tel fat, qui se montre sans scrupule dans le monde avec
une feuille de Havane roulée à la bouche, n'oserait circu-
ler dans la rue avec la racine d'ulm ou l'écume de mer ap-