Revue du Lyonnais » série 3 - n°7 ( 1869 ) » pp.231

                            TABAC.                         231

 pendue à ses lèvres. Sans doute une pipe entraîne avec
 elle la nécessité de la tenir sans cesse à la main, et quel-
 quefois de la mettre dans sa poche, après s'en être servi.
 De là peut-être quelque gêne, et l'embarras de porter sur
 soi un cratère noir, mal éteint, puant, qui peut embraser
 les vêtements pour le plus et les empester pour le moins ;
 tandis que le cigare achevé se jette au vent, se mêle aux
 immondices de la voie publique, s'offre en tribut à la ferme
 des boues, et peut, par la décomposition de certains sels,
fournir une ressource pour la végétation; aussi je ne
serais point étonné que l'esprit d'analyse qui distingue
notre ville engageât un jour quelque profond agronome à
enrichir l'un de nos recueils scientifiques d'un article in-
titulé : Du bout de cigare considéré dans ses rapports avec
l'agriculture.    Là, nous verrions combien de parties de
carbone, d'hydrogène, d'alcaliopiacé, sont fournies à nos
engrais par les feuilles de tabac roulées à Marseille, en .
Allemagne, à la Havane, etc.; et même Je grave chimiste
pourrait nous dire quelle différence existe dans le résidu
final de chacune de ces fabr-ications.
   Le cigare varie de forme, dégoût, d'odeur, de couleur;
il en est de longs.de courts, de gros, de minces, de jaunes,
de noirs, de nuancés; mais surtout il en est de forts et de
faibles : les premiers jouent de bien vilains tours aux
apprentis fumeurs ; il est peu de ces messieurs qui n'aient
éprouvé les effets nauséabonds de l'ivresse        cigarienne,
ivresse terrible, car la vie semble prête à s'éteindre, où le
cœur agonise, où le teint pâlit, où l'on éprouve une
angoisse indéfinissable, à peu près pareille à celle que
procurent deux ou trois grains d'émétique; il est impossi-
ble alors de rester debout, on devient mou comme une
loque, on s'étend sur son lit comme on se coucherait dans
sa bière, et il semble vraiment qu'il ne reste plus qu'à se
faire plier dans le drap funèbre, tant l'anéantissement qui
survient paraît devoir amener la fin de l'existence.
   Le cigare offre encore bien d'autres inconvénients, moins