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53-2 DISCOURS DM 11.. BOU1LLIËR. Mais que lui servira la science si en outre il n'a pas reçu du ciel le don de la communiquer? Comment parler a ce public composé d'éléments si divers? Comment éviter le double écueil des leçons trop arides qui mettent l'auditoire en fuite et des leçons superficielles qui discréditent le professeur? Comment suppléer au charme, depuis longtemps perdu pour nous, de la nouveauté ? Que dire, que ne pas dire , com- ment être clair, comment plaire? Voilà , Messieurs, les soucis dévorants que porte partout avec lui un professeur de Faculté. Si j'appelle votre attention sur les difficultés de notre ensei- gnement et sur les travaux quïl exige, ce n'est pas pour célébrer mal a propos nos mérites, mais au contraire pour réclamer l'indulgence de nos auditeurs et désarmer, s'il en était, des juges trop sévères. L'année dernière, la santé et les forces avaient manqué a deux de nos collègues pour continuer leurs leçons jusqu'au bout, mais, cette année, à force de zèle et de courage, ils ont pu remplir leur tâche tout entière, et aucun cours n'a souffert d'interruption. Je sais que le nombre des auditeurs n'est pas une exacte mesure de la bonté d'un cours, mais cependant c'est un élément nécessaire pour apprécier l'im- portance et l'utilité des cours publics. Qu'importe le meilleur des cours si la salle est déserte? Grâce au ciel, jusqu'à pré- sent nous avons tous échappé a cette triste destinée, et, à défaut d'un auditoire obligé d'étudiants en droit ou en mé- decine, nous gardons une clientèle bienveillante et assidue qui se compose soit de jeunes gens qui aiment à apprendre, soit d'hommes d'un âge mûr qui aiment à se souvenir. Sans tomber, je crois, dans ces singulières illusions d'op- tique qui souvent multiplient aux yeux de celui qui parle le nombre de ceux qui l'écoutent, j'estimais l'année dernière à deux ou trois cents personnes l'ensemble des auditeurs des quatre cours de la Faculté des lettres ; non seulement ce nombre s'est maintenu, mais même il s'est un peu accru dans le cours de cette année, ce qui nous a valu des félicita- tions de la part de M. le Ministre de l'Instruction publique. L'accroissement a été surtout sensible au cours de littérature française. On était curieux d'entendre un poète tel que M. de Laprade juger nos grands poètes du XVIIe siècle. De notre auditoire, je passe aux professeurs et à notre enseignement. Mais plutôt que de vous entretenir des leçons que nous avons faites, j'aime mieux vous parler de celles que nous allons faire, dans l'espoir de vous donner le désir de venir les entendre.