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510            TB01S MOIS AU-DELA DES ALPES.

bonheur d'entendre au lever de l'aurore du 25 mars 1854.
Vite, je montai sur le pont. 0 joie ! ô transport ! Derrière
la courbe azurée des flots, et légèrement rosée par les pre-
miers rayons du soleil, nous vîmes les cimes dentelées des
Apennins. Italie ! Italie! Je vais donc fouler enfin ton sol,
respirer tes brises embaumées, lire ton histoire, non plus
dans un livre froid et incomplet, mais sur le fronton même
de tes monuments et sur les débris de tes ruines. Tous,
nous allions poser le pied sur la terre ferme. Sur la mer,
l'homme se sent si faible, si petit, comme l'enfant couché
dans son berceau, qu'il tend les bras et sourit à tout ce qui
l'entoure, et attendrit par l'émouvant spectacle de sa faiblesse
même.
   Malgré notre satisfaction si légitime d'aborder, nous avions
un peu trop compté sans notre hôte. Voici le programme
des ennuis qui nous attendaient avant notre départ pour
Rome : deux heures de panne dans un port étroit, privé d'air,
sous un soleil ardent ; visite des officiers de santé qui nous
comptent par tête comme des moutons ; s'entasser pêle-
mêle sur de petites barques avec des paquets et des malles ;
payer un paolo pour transporter nos effets du bâtiment à
l'embarcation ; payer trois autres paoli jusqu'à terre ; payer
encore pour les faire transporter du rivage à ta douane. Pour
me défaire de cette nouvelle garde prétorienne, lassé de
plonger les mains dans mes poches, abasourdi par toutes
ces propositions d'hôtel, de services, de moyens de transport,
je me sauve en les gratifiant de cette nouvelle monnaie :
« avete ragione, avete ragione, avete tutti ragione. A la
douane, nouvelles dépenses, nouvelles vexations. Nous nous
tirons enfin de cette bagarre de voleurs patentés, puis au
nombre de sept, tous jeunes, joyeux et bien déterminés, nous
équipons à frais communs un colossal vetturino, traîné par
quatre mules noires, harnachées, empanachées selon le goût