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506 M. VICTOR DE LAPRADE. nature quelque repos pour son âme, quelque durable consola- tion pour son cœur, et le remède a été vainement tenté; et nulle rosée d'en haut n'est venue rafraîchir son front dévasté et brû- lant -, et les pâles joies de la solitude n'ont brillé un moment que pour faire bienlôl la nuil plus profonde; el tout ce qu'il avait sans fruit sollicité ailleurs, la consolation, le bonheur, la paix, il l'a trouvé un jour à ces hauteurs où la foi, la justice, la charité s'embrassent dans un immense amour ! Le chant : au pied de la croix, aurail dû être, à mon avis, le dernier du recueil; c'eût été le complément logique de l'admirable poème que je viens d'analyser , et j'aurais voulu, quand le poète s'écrie: Ils sont morts, ils sont morts avec leur allégresse Ces Dieux qu'un monde enfant adorait en sa fleur ; Ils ne revivront plus dans les marbres de Grèce; La croix est immortelle ainsi que la douleur. Fais moi donc adorer cette loi qui nous lie Au gibet où ton fils monte encor chaque jour ; Donne-moi d'en chérir la sublime folie, Et d'épouser la croix comme un dernier amour; Car il n'est ici bas qu'un seul bonheur paisible, Qu'on trouve au sein des maux librement acceptés, C'est l'extase où les cœurs, épris de l'invisible , # Se font de leurs tourments de saintes voluptés. J'aurais voulu, dis-je, après de pareils vers, qu'il nous laissât au pied de la croix, avec le parfum de ces pensées et cet inexprimable adieu. Arrivé au terme de celte longue étude, je ne songerai pas à la résumer. J'ai montré M. de Laprade, (el qu'il m'appa- raît, grand poète, poète austère, obstiné au travai), sincère- ment épris de son art ; conservant inaltérées ces deux saintes choses si tristement dissipées par d'autres mains: la dignité et le respect ; quelquelois aussi obscur el nébuleux , trop peu incliné à faire vibrer la corde humaine, et flottant dans sa pensée, quand son âme, j'aime à le croire , ne flotte pas.