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504 M. VICTOR DE LAPRADE. de force, il fuit les villes, et court, leMiel au cœur et l'amertume aux lèvres, demander le silence et l'oubli h ces monts géants où il espère ne pas rencontrer de trace humaine ; il va comme Anthôe, chercher, au conlact de la terre maternelle, de nou- velles forces pour vivre, pour souffrir, pour dédaigner peut être : car jusqu'ici, les balsamiques influences de la nature onlcalmé ses sens, sans pénétrer jusqu'à son cœur : ces douces rosées des solitudes, en dépit de quelques fugitifs apaisements, n'ont pu produire la résignation et l'amour dans cette terre aride où n'ont germé que des fiertés implacables. Il monte, il monte, aspirant à pleins poumons l'air des hauts lieux, et jetant de sanglantes malédictions à tout ce qu'il laisse derrière lui. Toutes les voix de la montagne lui répondent pleines de graves enseignements ou de douces leçons: à ces accens connus et aimés le poète sent, à la place de ses agitations, s'éveiller un sentiment meilleur, plus calme, sentiment indéfinissable pourtant, qui éloigne de ses lèvres i'analhême en laissant vivre l'orgueil, source de ranathême, — repos d'un moment qui précédera de nouvelles tempêtes : Je promène au hazard un œil indifférent Sur cette foule humaine Et regarde couler le fleure et le torrent Sans amour et sans haine. Ici, tout vain regret s'est éteint dans mon cœur ; J'y pourrais voir paraître Mon siècle tout entier sans éprouver d'horreur Ni de mépris peut-être. Frantz redescendra donc de la montagne apaisé, mais non changé; la nature lui a prodigué tout ce qu'elle peut donner d'adoucissemenis de spectacles et de leçons; mais, rentré dans cette foule humaine où il ne voit que des adorateurs du veau d'or, des profanes ou des esclaves qui ont vendu leurs dieux, et renié la liberté, il reviendra à ses mépris et à ses colères... lout- à -coupdes accents inconnus se font entendre; une voix parle, plus solennelle que celle du désert, plus haute que celle du