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                 M. VICTOR DE IAPRA.DE.
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 Je voudrais échanger ton être avec ma vie,
 Et me dresser tranquille et sage comme toi.

L'éternelle Cybèle embrasse tes pieds fermes,
Les secrets de son sein, tu les sens, tu les vois ;
Au commun réservoir en silence tu bois,
Enlacé dans ces flancs où dorment tous les germes,
Salut! toi qu'en naissant l'homme aurait adoné !
Notre âge, qui se rue aux luttes convulsives,
Te voyant immobile, a douté que tu vives,
Et ne reconnaît plus en toi d'hôte sacré.
Ah ! moi, je sens qu'une âme est-là sous ton écorce ;
Tu n'as pas nos transports et nos désirs de feu,
Mais tu rêves, profond et serein comme un Dieu;
Ton immobilité repose sur ta force.
Salut ! un charme agit et s'échange entre nous
Arbre, je suis peu fier de l'humaine nature ;
Un esprit revêtu d'écorce et de verdure
Me semble aussi puissant que le nôtre et plus doux.
Verse à flots sur mon front ton ombre qui m'apaise ;
Puisse mon sang dormir et mon corps s'affaisser !
Que j'existe un moment sans vouloir ni penser :
La volonté me trouble, et la raison me pèse.
Je souffre du désir, orage intérieur ;
Mais tu ne connais, toi, ni l'espoir ni le doute,
Et tu n'as jamais su ce que le plaisir coûte,
Tu ne l'achètes pas au prix de la douleur.
Quand un beau jour commence et quand le mal fait trêve,
Les promesses du ciel ne valent pas V oubli ;
Dieu même ne peut rien sur le temps accompli,
Nul songe n'est si doux qu'un long sommeil sans rêve.
Le chêne a le repos, l'homme a la liberté. .
Que ne puis-je en ce lieu prendre avec toi racines !
Obéir, sans penser, à des forces divines,
C'est être Dieu soi-même, et c'est ta volupté.
Verse, ah! verse dans moi tes fraîcheurs printanières.
Les bruits mélodieux des essaims et des nids, .
Et le frissonnement des songes infinis ;
Pour ta sérénité je t'aime entre nos frères.