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M. VICTOR DE LAPRADE. Ml restait loujours profondément distincte des objets extérieurs auxquels nous demandions de nous inspirer ou de nous con- soler. C'était nous que nous aimions dans la nature ; c'était a nous, à nos regrets, à nos désirs que s'adressaient les chants que nous lui adressions ; nous ne voyions, nous ne sentions rien au-delà ; et la poésie, dans ses modulations intinies, s'arrêtait en définitive à l'homme. La surprise, à l'apparition de Psyché, a donc dû être grande et l'erreur possible. Je n'ai point ici à examiner si, en brisant avec les traditions quelque peu égoïstes de ses devanciers, M. de Laprade n'a pas dérivé jusqu'à un certain point à l'extrémité opposée; ce que j'af- firme, c'est que la réflexion l'a vengé de ce reproche de panthéisme, jeté à son œuvre à l'heure d'un premier étonne- ment; c'est que cette absorption souveraine et fatale de l'individu dans la vie confuse de l'humanité ne s'y révèle nulle part; que, dans ce livre orphique, l'esprit ne cesse de dominer la matière et qu'enfin deux idées, deux émanations chrétiennes, je le répète, y occupent constamment (a scène: — l'âme punie pour ses fautes, humiliée el repentante, un Dieu vengeur et rémunérateur ; la lerre, séjour de l'expiation et de l'exil, avec ses splendeurs dédaignées et ses consolations impuissantes; le ciel, séjour du bonheur, et récompense de la faute expiée. Mais précisément, au moment où j'écarte de M. de Laprade une prévention imméritée, j'indique le défaut capital, j'allais dire l'unique défaut du poème. En le signalant, je ne cède pas au besoin de blâmer; je n'éprouve de satisfaction qu'à admirer les beautés qui brillent dans les œuvres des maîtres, non à compter les imperfections qu'on y découvre. Mais la vie des lettres me semble inséparable de la critique littéraire, et M. de Laprade qui est de ceux qu'on réimprime, de ceux qu'on réimprimera souvent, s'offenserait, j'en suis sûr, si, par une raison, n'importe laquelle, la critique, j'entends: une