Revue du Lyonnais » série 2 - n°11 ( 1855 ) » pp.364

 364                          VARIÉTÉS.
     Le ténor léger, M, Barbot, avait une succession lourde à re-
 cueillir. Son homonyme de l'année dernière était très-goûté, mal
  gré des prétentions de professeur assez désagréables à la scène et
. en dépit de son patois gascon. Le nouveau ténor possède une
  voix jeune, d'un timbre agréable; il la manie avec beaucoup de
  sûreté. C'est en somme une très-bonne acquisition. Ainsi se
  trouve posée la double pierre angulaire du théâtre. Car tout
  édifice lyrique qui ne repose pas sur les ténors est bâti sur le
  sable. Sous ce rapport, la Direction a eu la main heureuse.
     En ce qui concerne la partie féminine du personnel, elle
  est très-recommandable. C'est un personnel d'avenir, comme on
  dirait en style de Bourse. Car il possède à défaut d'art acquis
  et d'expérience, de la jeunesse, de la voix, de la beauté. Au
  milieu des nouvelles débutantes, Mlle Paola reste la reine incon-
  testée. Très-applaudie à sa rentrée dans Robert, elle a chanté
  l'autre soir d'une façon très-remarquable le rôle de Berthe dans
  Je Prophète. Ce rôle va bien à sa voix douce et métallique. Le
  talent de cette dame est en progrès. Si elle se livrait plus à
  ses inspirations, si le diable au corps dont parle Voltaire pouvait
  entrer par moments dans le sien, cette estimable artiste ne tar-
 derait pas à conquérir une grande place au théâtre.
     Aux Célestins, Ravel ne peut parvenir à épuiser la curiosité
  publique. C'est que Ravel est un de ces rares artistes qui pos-
 sèdent une sorte de calorique comique auquel personne n'é-
 chappe. D'autres peuvent dessiner un rôle d'après nature, re
 produire un type entrevu, mais c'est à la condition de rester
 froids et de ne pas vouloir rire et faire rire. Ils font preuve avant
 tout d'observation. Ravel est content pourvu qu'il fasse preuve
 d'esprit et de gaîté, gaîté et esprit toujours communicatifs et
 rayonnants. Par l'esprit sa gaîté se concilie avec la distinction,
 et dans les grossièretés habituelles de la littérature de MM. les
 vaudevillistes, elle reste exempte dé trivialité. C'est là son ca-
 chet et son attrait. Je sais tel acteur qui vous humilie en pro-
 voquant votre rire. Avec M. Ravel il n'en est jamais ainsi.
                                                     M. C.

                              Aimé   VINGTRINIER   , directeur.