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302 M. JULES JANIN. œuvre, si elle procédait de Racine, de Corneille, de Shakes peare ou de Schiller; il admirait les belles pensées, le style noble, touchant, gracieux, harmonieux, partout où il les ren- contrait. H applaudissait les Messeniennes de M. C. Delavigne et les belles poésies de M. Hugo, comme plus tard on le vit louer et encourager à la fois et en même temps ces es- prits si différents, MM. Ponsard, A. de Musset, Augier, 0. Feuillet. 11 était et fut toujours sans pitié pour les œuvres médiocres ou mauvaises, et même il inventa pour celles- ci un nouveau mode de critique, le silence. Avant 1830, les journaux racontaient aux lecteurs toutes les pièces, sublimes, bonnes ou absurdes, k commencer par la première scène, a finir par la dernière. Le feuilleton n'était que le très-hum- ble caudataire de MM. les auteurs dramatiques, il devait les suivre tous pied k pied, depuis les chefs jusqu'au dernier soldat. M. Janin, en homme d'esprit qui se sent assez fort pour faire une révolution, affranchit, presque dès son début, la critique de sa vassalité. Dans son intérêt et dans l'intérêt de ses lecteurs il se réserva de suivre le drame ou la co- médie, a la condition qu'ils auraient le sens commun et dans le cas contraire de les planter la tout net. et de courir les buissons. Et en effet pourquoi, aurait-il pu dire, forcerait-on un homme d'esprit à suivre pas à pas de sottes ou immondes productions? Eh quoi, parce que vous êtes parvenu k faire débiter par trois ou quatre comédiens votre patois en prose ou en vers, devant mille personnes, que vous avez lassées et ennuyées, je serais moi, tenu, en vertu d'un sot usage, k montrer k tous le squelette de votre œuvre qui n'était pas déjk si ragoûtante quand elle était revêtue de toute sa chair et de tous ses muscles? 11 lui importe beaucoup au public, n'est-ce pas, de savoir comment un auteur s'y prend pour ne pas trouver dans une pièce en cinq actes et je ne sais