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 142                 l,À GAZZKTTE FRANÇOISE.
 montre faicte (la parade) et la solde touchée, se présenta au mi-
 lieu d'eux en magistralle et sérieuse prestance, ce disert ora-
 teur, cet excellent jurisconsulte, cette lire d'Orphée, ce caducé
 de Mercure, Saigne Pinjon de la Grangy de Roch, panché tota-
 lement à la justice, et droict en ses jugements, Yayeul des or-
phelins, l'advocat des veufves, Feiuplastre des blessés et le baston
 des aveugles, qui ne fut oncq attrait par flaterie, corrompu par
 présents, ny deceu par faute de discrétion...
    « Nostve divin Pinjon estoit si universel en toutes choses
qu'on le peut dire une vraye arche de Noë.
    « Il estoit de bon lieu et de bonne part, yssu noble de longue
ligne pour avoir esté son père pescheur, et de maison tant an-
 cienne qu'elle est tombée de pourriture. Ce Seigne Pinjon (saigne
pigeon allusion à certains usages des gens de procédure), par le
moyen de son bel esprit... s"est fait capable de toutes sortes de
science, et plusieurs autres qui l'ont, rendu célèbre entre les hom-
mes les plus illustres, si bien qu'un auteur castillan a dit de luy
qu'il a le jugement si subtil, qu'à son advis, il perseroit un grain
de blé avec un foret, et fendroil en quatre paris un deslié che-
veu. » Suivent quelques dictons tout à fait dignes du sieur
Gaulard. En voici un qui nous a paru digne d'être cité : « Qui
mieux ressemble aux lois de ce temps qui punissent les petits
larrons et pardonnent aux grands? c'est les thoiles d'araignées
où les petits moucherons sont arrestez et les gros passent à
travers. »
   « Si bien que ceux qui entendoient le célestializé Pinjon faire
ainsi l'oracle s'en esmerveilloient, disans : mordienne ! quel doc-
teur en matières ambiguës..., perplexes et obscures ! Vertu goy,
quel expéditeur de causes, quel abrégeur de procès, quel vui-
deur de débats, quel esplucheur de sacs, quel feuilleteur de
papiers, quel minuteur d'escritures..., il a la muse à gré, et la
veine en poupe... il est sçavant jusques aux dents, spéciallement
en ce particulier advertissement qu'il réservoit pour ses amis,

               Que. qui boit en mangeant sa soupp,
               Quand il est mort il ne voit goutte.