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                        ODES ET POÈMES.                        383

ibis il n'eut pas, à proprement parler, le sentiment de la vie
générale, mais celui de la vie individualisée dans tel ou lel
objet de la création, et, ce sentiment, il le tenait des mytholo-
gies du Nord où abondent les génies, les esprits, les personni-
fications des éléments.
   11 y a des poètes desquels on a dit qu'ils devaient s'inspirer,
ceux-ci des pensives lueurs du soir, ceux-là des flamboyantes
ardeurs du midi; les uns regardent le ciel, les autres les lacs;
M. de Laprade aime surtout la terre, cette immense ouvrière,
comme l'appelle Orphée, celte être unique adorée sous tant
de noms, comme la nomme le vieil Eschyle.
  Dansunedesespîèces,M.deLapradecomparelepoèteà Antée
qui sent redoubler ses forces sitôt qu'il a louché la terre ; cette
image appliquée à lui-môme est d'une justesse parfaite; qu'il
veuille exprimer un sentiment ou une idée, c'est toujours à la
nature qu'il a recours; veut-il bénir un berceau, comme
dans Horoscope, il dole l'enfant de toutes les richesses que le
globe étale; s'adresse-t-il à un ami, comme dans l'Invocation
sur la montagne, il secoue vers lui et lui envoie à travers l'es-
pace les parfums qu'il a aspirés. Pleure-t-il cet ami si triste-
ment enlevé à ses affections, il encadre alors l'ombre chérie
dans les splendeurs du monde et il la mêle à ses harmonies,
afin, ce semble, de mieux communiquer avec elle. Rien ne
lui apparaît qu'à travers la nature; pour parler ou pour agir,
il a besoin de lui emprunter ses bruits, ses couleurs, ses voix,
ses parfums, tout ce qui compose le langage de la création, et
il n'est jamais plus à son aise que lorsque, enveloppé comme
d'un nuage magnétique, évoquant autour de lui les forces du
 globe entier, il les remue avec la puissance du mage et en fait
les agents de ses volontés.
   Sa poésie csl grave comme la parole du prêtre , sérieuse
comme une oraison liturgique; presque toujours elle af-
fecte J'impéralif. C'est le verbe de l'hiérophante, le verbe du