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344 AMENDE HONORABLE
mais les hommes, plus attentifs, plus galants. C'est une con-
fusion de soin, de prévenance; un entraînement géuéral,
qui mettent bientôt chacun dans un délire de volupté impos-
sible à décrire. On est enivré de joie, de plaisir, de bonheur.
À ce moment suprême, quatorze soldats du régiment de
Bouillon se glissent en tapinois, entrent dans la salle, et, s'ê-
tant placés sur une ligne, le dos tourné contre la muraille, ils
se mettent à fumer. Aussitôt une fumée épaisse gagne toutes
les parties de la salle, et en rend bientôt, par la force de son
intensité, le séjour absolument impossible.
Les jeunes dames alors n'étaient point encore éprises de
l'odeur du tabac; elles proscrivaient, au contraire, formelle-
ment, en leur présence, l'usage de la pipe. Au reste, celles qui
formaient, à cette époque, la société de Villefranche, ne se dis-
tinguaient que par leurs grâces natives et leur excessive ur-
banité. Le plus gracieux sourire répondait toujours à l'honô-
leté d'un salut; les marques de la plus touchante bonté, Ã
l'expression d'un respectueux hommage. Chez elles ni fatuité,
ni pruderie ; rien, enfin, de ce qui indique le vernis d'une pe-
tite ville, ou l'ignorance du bon ton et des belles manières.
On conçoit que c'était encore un motif pour porter MM. les
Chevaliers de l'Arquebuse à tirer une vengeance éclatante de
l'insulte qu'elles recevaient. Ils se récrient, mais les soldats,
la tête échauffée par la vapeur du vin, jurent et tempêtent. On
veut les chasser, ils opposent delà résistance. Enfin, la con-
fusion est partout; les Dames s'enfuient, le bal cesse.
Cependant l'on était parvenu, non sans coups donnés et
reçus, à repousser ces insensés jusque dans le vestibule du
rez de chaussée de l'Hôtel-de—ville, lorsque deux sergents,
en ambuscade dans la rue pour attendre le résultat de cette
équipée, entendant le bruit, viennent donner main forte Ã
leurs gens. Malheureusement ils se servent, dans ce triste
moment, des armes qu'ils ont sur eux. Ils frappent, dans la