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                       DANS LE DRAME.                         'il

critique lui avaient déjà demandé, avec ironie, de produire
un chef-d'œuvre, un seul, en musique, en poésie, en pein-
ture, pour qu'on ne pût l'accuser de ressembler au renard
qui a la queue coupée. Ceci n'était qu'une raillerie. Mais
à ce public confiant qui lui disait : « Vous proclamez cha-
que jour l'impuissance de notre époque, nos auteurs ne peu-
vent cependant se contenter d'être des scribes exacts et atten-
tifs, copiant éternellement le passé, comment doivent-ils faire
pour créer des choses belles et neuves, dites-le nous une
bonne fois, pour que nous ne nous laissions pas aller à nos
impressions, comme il nous est arrivé trop souvent, pour que
nous n'admirions pas naïvement une œuvre que vous nous
apprenez le lendemain être monstrueuse et absurde. » A ce
public-là, plein de bonnes intentions, la critique pouvait-elle
répondre? Est-elle en état d'enseigner la voie où il faut passer
pour arriver à la perfection ? Peut-elle poser les bases de l'art
moderne?C'est demander si la rhétorique peut créer l'éloquence.
La règle s'abstrait des chefs-d'œuvre qui la contiennent et
l'appliquent à la fois ; elle, aussi, est l'œuvre du génie qui la
devine en s'élevant jusqu'à l'invisible beauté. Le génie
n'est pas plus un calcul que la vertu. C'est une inspiration.
La vertu qui spécule sur la récompense n'est plus de la vertu;
le génie qui procède seulement d'après des règles n'est plus
du génie. On ne lui indique pas le chemin ; on le retrouve
en suivant, la trace de ses pas. Ainsi, que ceux qui atten-
dent de la critique un code de règles où l'art futur sera assis
et défini, que ceux-là se détrompent. La critique est im-
puissante à rien créer. Il n'y a rien à espérer d'elle pour
l'avenir.

   Il y a dix ou quinze ans, cependant, que les hardiesses
d'un grand poète l'avaient portée dans ces régions, où les
questions de l'art, louchant à tous les autres côtés du génie
humain, les aperçus larges, les considérations profondes se
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