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A BOURGOIN. 27 vils corbeaux s'attachent à des cadavres pour les dévorer. Si ses amis, pour relever son moral, essayaient de le distraire de ses préoccupations, l'accusaient de voir les choses toujours sous leur aspect le plus fâcheux : « Non, je ne fais pas du noir comme vous prétendez, s'écriait—il, mais, c'est moi qu'on en barbouille.... » Puis, revenant en lui-même, laissant de côté ces tristes pensées, il ajoutait : « Quoiqu'il en soit, en quit- tant Bourgoin, j'ai quitté tous les soucis qui m'en ont rendu le séjour aussi déplaisant que nuisible. L'état où je suis a plus fait pour ma tranquillité que les leçons de la philosophie et de la raison. J'ai vécu, je suis content de l'emploi de ma vie, et, du même œil que j'en vois les restes, je vois aussi les événements qui les peuvent remplir... » A celte époque cependant, quelque soulagement existait déjà dans ses souffrances, il pouvait faire quelques pas, il se promenait dans les bosquets environnaants; une lettre à son cherMoultou, de la fin du mois de février 1769, en est la preuve. « Quoique je ne puisse plus me baisser pour herbo- riser, je ne puis renoncer aux plantes, je les observe avec plus de plaisir que jamais.... » Plus bas, il ajoutait : « J'her- boriserai jusqu'à la mort et au-delà ; car s'il y a des fleurs aux Champs Elysées, j'en formerai des couronnes pour les hommes vrais, francs, droits, et tels qu'assurément j'aurais mérité d'en trouver sur la terre. » 11 semblait, en quelque sorte, devenu insensible à la passion de la gloire, de la renommée qu'il avait recherchée avec tant d'ardeur; ainsi son ami Beau-Château, dont il avait, jusque-là , convoité les louanges, les marques d'estime avec tant d'empressement, lui proposant de faire frapper une médaille en son honneur, reçut la réponse suivante : « J'ap- proche d'un séjour où les injustices des hommes ne pénètrent pas. La seule chose que je désire en les quittant, est de les laisser tous heureux et en paix. Vous vous moquez de moi