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384 sous la main de Ronsard. Ecoutez son hymne à l'Eternité Immense Eternité, la première des dieux, Seconde de mes vers l'essor audacieux, Et fais que mes chansons, pour toi seule entonnées, Triomphent, comme toi, des jours et des années. 0 grande Eternité ! Tu maintiens l'univers en tranquille unité, De chaisnons enlacés les siècles tu attaches, Et, couvé sous ton sein, tout le monde tu caches. Ta bouche ne dit point il fut ou il sera ; Le temps présent tout seul à tes pieds se repose. Tout le temps passé, Et celui dont le pas n'est encore avancé, Sont présents à ton œil qui d'un seul clin regarde Le passé, le présent, voire celui qui tarde, Qui tarde quant à nous, mais non pas quant à toi, Car ton œil voit toujours tous les temps devant soi. N'est-ce pas là un langage tout nouveau et qui a droit de nous étonner, lorsque nous venons de parcourir les petits vers gracieux et polis, les idées enfantines des poètes du XVe siè- cle ? Ces pensées, belles de noblesse et de majesté, profondes de sagesse et de haute poésie, n'étaient-elles pas au XVIe siè- cle comme une sève jeune et féconde qui venait ranimer puis- samment les forces languissantes de l'imagination ? Et ne fal- lait-il pas que les œuvres de l'antiquité fussent vraiment belles, vraiment riches, pour opérer une aussi complète révolution dans notre littérature? Elle avait déjà cherché à se forti- fier par l'imitation des littératures italienne et espagnole. Mais ce fut en vain : ces littératures, quoique plus avancées que la nôtre à cette époque, ne portaient en elles aucun germe de vie. Voilà donc la poésie lyrique vraiment nationalisée en France