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                                  ses
 tir. J'y arrangeai ma vie, j'y déposai selon mon gré les meubles de
 ma tante dans la pièce que je voulais habiter, et je jouis du plaisir,
depuis long temps perdu pour moi, d'une société qui n'effarouchait
 pas ma tristesse, et d'une amie qui mangeait à ma table. Quelque
temps après, nous fîmes ensemble une visite au cimetière, d'où
nous revînmes tristement le soir, suivis du chien qui nous avait
adoptés pour ses nouveaux maîtres.
    Dans les meubles qui m'étaient échus, se trouvaient les papiers
de ma tante, et parmi eux des lettres de sa fille et de M. Widmer.
J'avais mis en réserve, pour mes prochains loisirs, de les parcourir,
d'y recueillir, avec une avide curiosité, ce que j'y pourais appren-
dre de cette Elisa si tendrement aimée. Dès que nous fûmes établis
dans notre demeure, je procédai à cette lâche intéressante, je fis le
dépouillement des papiers et bien qu'il s'y trouva beaucoup de la-
cunes, je pus néanmoins retrouver la trace de cet attachement pro-
fond, commencé sur la terre, rompu par le sort, et résistant à l'é-
preuve du temps pour se renouer dans le ciel. Bien souvent durant
ce travail, je fis d'amers retours sur moi-même. Non, ce n'est point
le trépas qui, brisant les nœuds do l'amour, fait au cœur les plus
sanglantes plaies;... les serments violés, une félicité qui fuit sans
espoir, voilà ce qui porte la mort jusque dans le cœur lui-même.
Je veux, puisque j'ai entrepris ce récit, poursuivre encore, dire ce
que je sais de ces deux amants, et clore ainsi ces pages trop remplies
de moi. Que si je ne répugnais à trahir le mystère de leurs tou-
chantes amours, je laisserai parler les lettres mêmes que je possède,
car quel récit pourrait atteindre au charme de ces lignes toutes im-
prégnées de tendresse et de grâce, où l'ingénuité, la fraîcheur, l'é-
nergie de l'adolescence se montrent sous leurs plus aimables traits,
où la confiante sécurité de cet âge fait un si émouvant contraste
avec une séparation affreuse et prochaine? Mais je ne puis, j'aime
mieux affaiblir ce charme, que de le profaner.
   Elisa Meyer était née à Zurich, et y avait passé sa première en-
fance. Son père, homme aimable, et rempli lui-même d'attachantes
qualités, avait pris en affection singulière cette enfant, et s'était plu
à cultiver en elle d'heureuses dispositions qui enchantaient sa ten-
dresse. Mais il paraît que, parmi des soins éclairés d'ailleurs il se