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j'eusse hérité pareillement de ses droits àla soumissionetauxégards
de sa servante Adèle. Elle s'était levée, et ayant doucement replacé
sa chaise contre la muraille, elle se tenait debout devant moi, et
paraissait attendre que je lui adressasse la parole : — Marguerite,
lui dis-je, vous l'amie de M. Widmer, je vous en prie, reprenez
votre place, et sachez vous persuader que vous êtes ici maîtresse,
bien moins encore par ce papier, que par vos vertus et votre carac-
tère, qui vous rendent digne de tout respect. La bonne femme se
rapprocha, mais bien plus par soumission et pour me complaire,
que par acquiescement aux choses que je lui disais, car son cœur,
plus modeste encore que dévoué, était généreux par instinct et grand
à son inçu.

   Je m'occupais aussitôt des affaires de la succession, et des moyens
de mettre Marguerite en possession de sa petite fortune. Je n'eus au
cune peine, grâce au zèle que je rencontrais chez M. Pigalledont le
cœur honnête et plein d'humanité avait compris sur-le-champ tout ce
qu'il y avait de sacré dans les recommandations de M. Widmer. Je re-
retirai Marguerite chez moi pendant l'apposition des scellés, et, au
bout de quelques semaines employées aux formalités indispensables,
et à faire une exacte division des biens, je revins pour l'établir dans
la maisonnette de M. Widmer. Après ces jours d'absence, elle n'y
rentra pas sans une vive émotion, et sa douleur, renouvelée par la vue
de ces lieux déserts, éclata en bouillants sanglots. Insensible à l'ai-
sance de sa position nouvelle, elle n'avait de pensées que pour le
passé, elle pleurait amèrement son maître et semblait se déplaire à
vivre désormais sans le servir; en sorte que j'entrevoyais encore,
dans cette digne vieille, une dernière victime destinée à se consumer
dans le chagrin d'un attachement rompu.

   Marguerite, lui dis-je, ne vous laissez point aller à ces regrets
amers pour un maître que vous savez être heureux maintenant. Pui-
sez de la force dans la conscience de ce que vous avez été pour lui,
et respectez ses vœux qui ont été que vous goûtassiez enfin la paix
et la liberté, au milieu d'une aisance que vous avez si bien gagnée.
Mais mes paroles, en lui rappelant les bontés de son maître, ne fai-
saient que provoquer plus abondamment ses pleurs. C'est alors que,