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361 j'eusse hérité pareillement de ses droits à la soumissionetauxégards de sa servante Adèle. Elle s'était levée, et ayant doucement replacé sa chaise contre la muraille, elle se tenait debout devant moi, et paraissait attendre que je lui adressasse la parole : — Marguerite, lui dis-je, vous l'amie de M. Widmer, je vous en prie, reprenez votre place, et sachez vous persuader que vous êtes ici maîtresse, bien moins encore par ce papier, que par vos vertus et votre carac- tère, qui vous rendent digne de tout respect. La bonne femme se rapprocha, mais bien plus par soumission et pour me complaire, que par acquiescement aux choses que je lui disais, car son cœur, plus modeste encore que dévoué, était généreux par instinct et grand à son inçu. Je m'occupais aussitôt des affaires de la succession, et des moyens de mettre Marguerite en possession de sa petite fortune. Je n'eus au cune peine, grâce au zèle que je rencontrais chez M. Pigalledont le cœur honnête et plein d'humanité avait compris sur-le-champ tout ce qu'il y avait de sacré dans les recommandations de M. Widmer. Je re- retirai Marguerite chez moi pendant l'apposition des scellés, et, au bout de quelques semaines employées aux formalités indispensables, et à faire une exacte division des biens, je revins pour l'établir dans la maisonnette de M. Widmer. Après ces jours d'absence, elle n'y rentra pas sans une vive émotion, et sa douleur, renouvelée par la vue de ces lieux déserts, éclata en bouillants sanglots. Insensible à l'ai- sance de sa position nouvelle, elle n'avait de pensées que pour le passé, elle pleurait amèrement son maître et semblait se déplaire à vivre désormais sans le servir; en sorte que j'entrevoyais encore, dans cette digne vieille, une dernière victime destinée à se consumer dans le chagrin d'un attachement rompu. Marguerite, lui dis-je, ne vous laissez point aller à ces regrets amers pour un maître que vous savez être heureux maintenant. Pui- sez de la force dans la conscience de ce que vous avez été pour lui, et respectez ses vœux qui ont été que vous goûtassiez enfin la paix et la liberté, au milieu d'une aisance que vous avez si bien gagnée. Mais mes paroles, en lui rappelant les bontés de son maître, ne fai- saient que provoquer plus abondamment ses pleurs. C'est alors que,