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282 quement relevé et défendu les murs de leur ville, et ceux de Florence avaient monté dans la tour de Giotto la grosse et formidable cloche qui, tant d'années plus lard, effrayait encore les Français accourus avec Charles VIII à cette fête éternelle du climat italien. Essayons maintenant de démêler quelle fut la part des Croi- sades dans celte grande transformation sociale. Il serait ab- surde, selon nous, de soutenir avec quelques historiens, que l'accroissement du pouvoir royal en France, que la décadence du pouvoir impérial en Allemagne, que le triomphe de la li- berté en Angleterre et en Italie, résultats contradictoires, sont dûs à une seule et môme cause. — Il n'est pas dans Tordre qu'une même cause produise des effets diamétralement oppo- sés. — Il serait ridicule d'admettre que lorsque Philippe-Au- guste, par exemple, Richard Cœur-de-Lion et Frédéric Barberousse, marchaient contre Saladin, il devait résulter de ce fait absolument identique, que le petit-fils de Philippe-Au- guste gagnerait les batailles de Taillebourg et de Saintes, que le neveu de Richard serait prisonnier à Lewes et ratifierait les statuts d'Oxford, et que le petit-fils de Barberousse mourrait dépossédé de toutes ses couronnes. Nous aimerions mieux dire que cette grande commotion des Croisades, en remuant profon- fondément les masses, a favorisé le développement de chaque peuple selon sa nature, son génie et ses besoins, et hâté ainsi le triomphe du pouvoir royal en France, de la féodalité en Alle- magne, de la démocratie en Angleterre et en Italie. L'explica- tion serait plus spécieuse, sans être beaucoup plus fondée. Relevons, en passant, une autre erreur plus générale à propos des Croisades. L'on a avancé que les Croisades avaient été un effet de la politique des rois qui se seraient ainsi débarrassés de la présence incommode des seigneurs. Mais y pense-t-on bien? Et qui donc avait convoqué le concile de Clermont? Etait-ce ce triste Philippe I er , roi sans royaume, qu'Urbain