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275 donné comme à nous de contempler l'autre, avec ses aspects mélancoliques, le pâle soleil qui l'éclairé, et le rivage glacé qui la termine. Si nous avons le front triste, c'est que nous la voyons. Yivez, jeunes gens, dans la pensée que vous la des- cendrez comme nous. Faites en sorte qu'alors vous soyez con- tents de vous-mêmes ; faites en sorte surtout de ne point laisser s'éteindre dans votre âme celte espérance que la foi et la philosophie allument, et que rend visible par de là les ombres du dernier rivage l'aurore d'une vie immortelle. » Ces paroles, Messieurs, sont de lui ; vous les eussiez re- connues quand je ne vous l'eusse pas indiqué. Rapprochées de l'événement dont elles expriment comme le confus et funèbre pressentiment, elles lui appartiennent trop intimement pour que vous ne les lui eussiez pas rapportés ; il les aimait, je me le rappelle, et il me disait que depuis longtemps il n'en avait pas trouvé qui convinssent mieux à son âme. Raison de plus, Messieurs, pour y croire fermement; c'est, à dix-huit mois de date, comme le testament spirituel d'un homme qui savait à la fois ne point se faire illusion, et cependant espérer. Ac- ceptons-le comme l'expression d'une haute et droite intelli- gence qui dans la question la plus grave que puisse se poser l'humanité ne jugeait plus de la vérité comme d'une chose de pure spéculation, mais comme du principe, de la règle et du soutien de sa vie, qui jugeait par conséquent en toute sincérité et en toute conscience, et par conséquent aussi avec toute sa- gesse. Acceptons-le, et, autant que possible, tournons-le à la consolation. La perte est grande pour nous ; mais songeons que devant Dieu elle est réparable, qu'elle est réparée. Adieu donc, ô mon ami ! adieu dans toute la simplicité et toute la profondeur du mot; je n'ai rien de mieux à dire en te quittant.