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donné comme à nous de contempler l'autre, avec ses aspects
mélancoliques, le pâle soleil qui l'éclairé, et le rivage glacé
qui la termine. Si nous avons le front triste, c'est que nous la
voyons. Yivez, jeunes gens, dans la pensée que vous la des-
cendrez comme nous. Faites en sorte qu'alors vous soyez con-
tents de vous-mêmes ; faites en sorte surtout de ne point
laisser s'éteindre dans votre âme celte espérance que la foi et
la philosophie allument, et que rend visible par de là les ombres
 du dernier rivage l'aurore d'une vie immortelle. »
   Ces paroles, Messieurs, sont de lui ; vous les eussiez re-
connues quand je ne vous l'eusse pas indiqué. Rapprochées de
l'événement dont elles expriment comme le confus et funèbre
pressentiment, elles lui appartiennent trop intimement pour
que vous ne les lui eussiez pas rapportés ; il les aimait, je me le
rappelle, et il me disait que depuis longtemps il n'en avait
pas trouvé qui convinssent mieux à son âme. Raison de plus,
Messieurs, pour y croire fermement; c'est, à dix-huit mois
de date, comme le testament spirituel d'un homme qui savait
à la fois ne point se faire illusion, et cependant espérer. Ac-
ceptons-le comme l'expression d'une haute et droite intelli-
gence qui dans la question la plus grave que puisse se poser
l'humanité ne jugeait plus de la vérité comme d'une chose de
pure spéculation, mais comme du principe, de la règle et du
soutien de sa vie, qui jugeait par conséquent en toute sincérité
et en toute conscience, et par conséquent aussi avec toute sa-
gesse. Acceptons-le, et, autant que possible, tournons-le à la
consolation. La perte est grande pour nous ; mais songeons
que devant Dieu elle est réparable, qu'elle est réparée. Adieu
donc, ô mon ami ! adieu dans toute la simplicité et toute la
 profondeur du mot; je n'ai rien de mieux à dire en te quittant.